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un privilège considérable : celui de signer des lettres de recommandation qui donnent au porteur le droit d’être soigné à l’hôpital pendant un temps plus ou moins long (généralement deux mois), mais sans lesquelles les portes ne s’ouvriraient point devant lui. C’est le système de l’admission par lettre opposé au système de l’admission libre. Le Royal free hospital est le seul hôpital fondé par des contributions volontaires qui n’ait point assuré ce privilège à ses souscripteurs. Ce système a le singulier résultat de créer une sorte d’aristocratie dans la misère, celle des pauvres qui ont des relations. Aussi ceux-là qui obtiennent le plus facilement leur admission dans les hôpitaux sont-ils les domestiques, les employés de commerce, les ouvriers aisés ; quant aux vrais pauvres, à ceux qui grouillent en nombre immense, effrayant, dans les bas-fonds des inns) des courts, des lanes) dont l’enchevêtrement se cache derrière la façade des maisons les plus somptueuses de Londres, il est bien rare qu’ils émergent de ces bas-fonds et qu’ils puissent se présenter à la porte d’un hôpital, munis d’une lettre signée par un habitant de Belgravia ou par un commerçant de la Cité. Par là s’explique cet aspect particulier de la population des hôpitaux de Londres, si différente de la population misérable qui encombre les rues, et pour laquelle cet hôpital, à la porte duquel elle mendie, n’est même pas un lieu d’asile. Aussi une certaine réaction de l’opinion publique s’est-elle produite contre ce système, qui fait trop facilement passer l’intérêt des souscripteurs avant celui des malades, et la pratique se charge-t-elle de corriger ce que les règlemens ont de défectueux. En premier lieu, il est de principe que les lits chirurgicaux ne sont jamais refusés aux victimes d’accidens qu’on apporte inopinément à l’hôpital. Le nombre de ces accidens est toujours très grand dans une ville où la circulation est aussi intense et où s’exercent tous les genres d’industrie, et ces admissions constituent déjà une dérogation fréquente à la règle. Mais en outre les médecins qui sont attachés à ces hôpitaux, et qui comptent parmi les premiers de Londres, usent de plus en plus librement de la faculté d’admettre sous leur responsabilité des malades dont la situation leur paraît intéressante, choisissant, il est vrai, de préférence les cas, qui présentent à la fois un certain intérêt au point de vue de l’enseignement clinique et des chances favorables de guérison. Le chiffre de ces admissions extraordinaires, qu’on classe dans les comptes-rendus de certains hôpitaux sous cette rubrique : extra-cases for préservation of life, s’élève souvent, avec celui des admissions motivées par des accidens chirurgicaux, à la moitié du chiffre des entrées. Mais le système des lettres de recommandation n’en continue pas moins à fonctionner, entraînant ce double inconvénient, tantôt de