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n’écarte que l’embarras passager, et laisse subsister la racine du mal en donnant un encouragement à la culture exclusive de la canne, en prolongeant des illusions dangereuses pour l’avenir de cette industrie dans les îles, ou plutôt encore en justifiant, par cet empressement à profiter d’un remède empirique, ce jugement porté sur les colons dans un rapport officiel : « Le blanc exploite le sol à la hâte, comme une mine qu’on fouille avidement avec la pensée d’un prochain abandon. » Bien imprévoyans à notre avis sont les intérêts qui tuent ainsi la poule aux œufs d’or. Ces intérêts, quoique mal compris, sont néanmoins respectables, mais on ne doit pas les regarder comme exclusifs, et ceux de la masse méritent qu’on les prenne en considération, moins encore pour eux-mêmes que pour préparer aux colonies un sort meilleur dans l’avenir, les conserver à la France et à la civilisation.

Par exemple, le pire ennemi des colonies ne pourrait rien faire de mieux que d’y répandre le germe de nos dissensions politiques. Ce serait prendre le vrai chemin de l’anarchie. La population africaine de nos îles a besoin d’être maintenue dans les principes de la morale chrétienne, dans le respect de l’autorité, dans l’obéissance aux lois. Le libre examen, la libre discussion, ne sont pas son fait. Le jour où elle ne croirait plus à Dieu, elle ne croirait plus à rien et n’obéirait qu’à ses passions. Les habitans sont les plus intéressés à prévenir cette conséquence inévitable. Ils sont aujourd’hui maîtres chez eux et n’ont point à demander de direction à la métropole; la représentation coloniale au parlement qu’ils ont désirée n’est pour eux qu’un danger. Ils ont tout avantage à prendre en mains l’administration complète de leurs affaires, et, s’ils ont besoin de plus de latitude encore pour atteindre ce but, nous souhaitons bien sincèrement qu’on la leur accorde. En un mot, qu’on limite le plus possible les droits et les devoirs du gouvernement dans les îles, et qu’on les borne à la défense du territoire et à la garde du drapeau. Nous avons dit qu’à notre avis l’ingestion d’une représentation coloniale dans les affaires générales de la France était plus dangereuse qu’utile; il nous suffit d’énoncer cette opinion, et nous éviterons ici de la développer, trouvant que la question sociale suscite déjà bien assez de froissemens dans les colonies sans qu’il soit besoin d’y mêler encore une controverse politique.


III.

En fait de colonies, comme en fait de marine, l’Angleterre est un modèle. Il faut toujours l’étudier, souvent l’imiter. Nous n’avons fait que suivre son exemple dans le gouvernement des Indes occidentales