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et peu connues. Cependant elles occupent une étendue notable de territoire; en forêts spontanées de ces essences, la France possède environ 50,000 hectares de mélèzes dans les hautes vallées des Alpes, et principalement dans les arrondissemens de Briançon, d’Embrun et de Barcelonnette; 20,000 hectares de pins de montagne concentrés presque entièrement autour de Mont-Louis et de Briançon ; 100,000 hectares de pins sylvestres disséminés par petites masses dans la zone moyenne des Alpes, par lambeaux dans la partie méridionale du plateau central et par bouquets dans les Pyrénées; 30,000 hectares de pins laricio en Corse; 100,000 hectares de pins maritimes dans le Marensin, l’ancienne forêt d’Aquitaine, et tout autant dans les Maures, l’Esterel et la Corse; 100,000 hectares de pins d’Alep sur les calcaires de la région méditerranéenne, à l’est du Rhône; enfin quelques cembros et piniers épars, échantillons de ces deux belles espèces. C’est un total de 500,000 hectares auxquels viennent s’ajouter 600,000 hectares de pineraies créées de main d’homme, tant en pin maritime entre le Mans et Bayonne qu’en pin sylvestre dans la France centrale et septentrionale.

Ainsi nos pineraies couvrent une surface qui dépasse 1 million d’hectares et dont un dixième appartient à l’état, trois dixièmes aux communes et six aux particuliers; mais la plupart d’entre elles sont jeunes ou appauvries par des dévastations de toute espèce, et on ne peut en tirer actuellement que des bois d’œuvre de dernier ordre par les dimensions et la qualité. La conservation et l’exploitation de ces forêts réclament donc des soins dont les plus importans se rapportent à la défense, au traitement et au pâturage.

La défense la plus nécessaire aux forêts est celle qui résulte d’une clôture, fossé ou mur, difficile à franchir, première garantie de la conservation des bois partout où l’homme et les bestiaux accèdent; mais dans les Alpes les limites mêmes sont indécises et le plus souvent on ne sait pas où finit le pâturage, où commence la forêt; celle-ci, comme une armée dont les ailes ont été dispersées, est compromise de toutes parts. Dans les montagnes à pente rapide, si l’établissement d’un mur ou d’un fossé n’est pas toujours praticable, il est possible de le remplacer par une clôture suédoise faite avec des perches inclinées et supportées au gros bout par des piquets disposés en croix de Saint-André. En tout cas, il est indispensable de fixer les limites d’une manière certaine, au moins par un cordon de pierres ou une banquette de gazons. Une forêt bien close et mise en ban pendant trente années seulement se retrouve ensuite bien peuplée, souvent même riche; le sol en est meuble, les massifs pleins, la végétation développée; chaque goutte de pluie et chaque rayon de soleil ont travaillé à l’améliorer et à l’enrichir.