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et qui sépare le massif trop clair des Charbonnières du pré-bois d’Oréal. Ici des mélèzes rares, de toutes dimensions, presque enfouis l’hiver dans la neige, sont les débris de la forêt qui couvrait le plateau. De la tête d’Oréal on embrasse un merveilleux spectacle : vers le nord, des vignes et des pineraies dominées par les calcaires jaunâtres de la crête des Tenailles, découpée de la façon la plus bizarre ; à l’est, la vallée de la Durance fermée en aval par le fort de Mont-Dauphin, en amont, par ceux de Briançon ; au centre, par le grand Puy des Aiguillons, qui porte encore sur son sommet, à 2,500 mètres, le corps droit d’un mélèze mort ; au sud, le versant nord de la crête de Dormillouse, sombre, formé de grès schisteux en escalier abrupt, et montrant suspendus à mi-hauteur des sapins, des cembros, des mélèzes ; à l’ouest enfin, le massif granitique du Pelvoux, surmonté des Écrins à 4,100 mètres et étalant au soleil le glacier du Pré-de-Madame-Carl. Pour bien se rendre compte de la région et des ressources qu’elle possède, il est nécessaire de faire au large le tour extérieur du plateau d’Oréal ; on y trouve les plus belles fleurs des Alpes, comme le lis orangé, on y rencontre les oiseaux rares du pays, bartavelles et tétras à queue fourchue, souvent même quelques chamois, et l’on descend par le torrent du Fournel et les mines de plomb de Largentière. Trois mille hectares de forêts et toutes les essences de nos montagnes, sauf le hêtre, enrichissent encore le cirque d’Oréal. Là, comme dans presque toutes les forêts des hautes régions, la question à résoudre est d’exploiter le bois et l’herbe en conservant les forêts et le sol.

Le jardinage ou l’exploitation des tiges prises une à une dans le massif ne convient pas à des arbres avides de lumière, comme les pins ou le mélèze. Cependant il serait impossible, sans courir à la ruine de la forêt, d’exploiter d’ensemble les bois d’une surface un peu grande sur des pentes très rapides ou vers la limite supérieure de la végétation. Le jardinage des pins et du mélèze doit se réduire alors : dans les forêts de protection, à l’enlèvement des seuls arbres dépérissans ; dans les autres, à des coupes fractionnées par petites trouées. En enlevant plusieurs arbres à la fois sur un même point, de manière à découvrir deux ou trois ares de terrain, on peut assurer la reproduction des pins de la même manière que le jardinage le fait pour les sapins.

Mais les exploitations disséminées provoquent le semis partout et ont par suite l’inconvénient majeur de rendre le pâturage impossible ou désastreux. C’est une nouvelle et puissante raison qui recommande dans ces forêts le mode des éclaircies partout où il est possible d’obtenir des massifs continus. Dans les hautes montagnes il convient de n’exploiter les bois sur un même point que très rarement, tous les cent cinquante ou deux cents ans par exemple. Dès lors la