Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recevoir 200 enfans. Il comprend trois divisions : les grands, les petits et les infirmes. On s’étonnera peut-être de trouver cette dernière catégorie dans un asile où l’existence d’une infirmité, et d’une infirmité incurable, est une condition sine qua non d’admission. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le personnel de l’établissement pour voir que cette condition n’est pas de celles par-dessus lesquelles on passe. Il est difficile d’imaginer une collection plus complète et plus triste de tous les désordres qui peuvent atteindre le pauvre corps humain, sans compter que de ces infirmités les plus cruelles et même les plus malsaines ne sont pas toujours les plus apparentes ; mais il y a cependant des degrés dans cette misère, et la division de ce qu’on appelle les infirmes se compose d’enfans qui sont absolument hors d’état de prendre aucun soin d’eux-mêmes, culs-de-jatte, paralytiques, etc., qu’il faut soigner, tourner et retourner comme des enfans au maillot. Si la sévérité d’une règle qui n’admet pas d’exception ne faisait obstacle au séjour sous le même toit de frères et de religieuses, ces enfans seraient assurément mieux confiés à des soins de femmes, et les religieuses parviendraient peut-être à réaliser avec eux ces miracles de propreté auxquels elles arrivent dans les hospices et dans les asiles d’aliénés avec ceux qu’on appelle les gâteux.

La division des grands est celle qui donne le moins de mal. On emploie ceux d’entre eux qui sont capables de travailler à deux industries sédentaires qui exigent peu de dépense de forces, la brosserie et la confection des habits. Il y a aussi une petite classe d’aveugles reçus contrairement à la règle en attendant qu’ils puissent être admis à l’institution des Jeunes-Aveugles, et auxquels un professeur aveugle lui-même donne des leçons de musique et de chant. Quant aux petits, sauf quelques élémens d’instruction primaire qu’on s’efforce d’inculquer à leurs intelligences lentes et rebelles, c’est surtout à améliorer leur santé qu’on s’emploie, en combattant les progrès de leurs infirmités par la bonne nourriture et l’exercice. C’est en effet une nécessité de combattre par le mouvement l’atrophie de leurs membres et l’aggravation de leurs infirmités. Le frère chargé de la division des petits, qui est un ancien soldat, prend le mot d’exercice au sens militaire. Il leur apprend à marcher au pas, les grands jours au son du tambour ; c’est à la fois merveille et pitié de voir l’amour-propre et l’ardeur fébrile que ces pauvres petits êtres mettent à marquer la cadence et à faire résonner les dalles de la cour, qui avec son pied-bot, qui avec sa jambe unique, qui avec ses deux béquilles. Parfois, lorsque les enfans sont pris très jeunes, leur santé parvient à peu près à se rétablir, et telle infirmité qui paraissait incurable disparait avec l’âge. Ce fut entre autres le