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intérêt à les unir. Ce sont en effet les familles du jeune homme et de la jeune fille qui arrangent l’affaire inter pocula. Si l’un des enfans s’opposait à la volonté paternelle, le bambou aurait raison de la résistance; mais ces cas sont fort rares, et je n’ai jamais vu un père imposer sa volonté par de pareils argumens. — Les funérailles d’un indigène n’ont rien de la tristesse et de la solennité de nos enterremens. Le défunt, s’il a été riche, est porté en terre au son d’une joyeuse musique. J’ai vu des corbillards revenir du cimetière chargés des amis du mort, façon toute nouvelle d’arriver plus vite au repas qui suit les funérailles. Ces agapes funèbres entremêlées de prières durent neuf jours.

Le plus grand défaut des Indiens est d’être joueurs : ils jouent partout et à propos de tout; mais peut-on leur en faire un reproche bien sérieux lorsque leurs gouvernans les invitent tous les mois à prendre des billets à une loterie officielle, lorsque les arènes où se livrent les combats de coqs sont mises aux enchères par l’autorité et ouvertes par ses soins partout où il se crée un nouveau centre de population. On a dit souvent que l’Indien des Philippines aimait mieux son coq de combat que sa femme; on le croirait, en le voyant porter cet animal batailleur aux champs, aux processions, aux endroits où résonnent les accords d’une musique militaire, car, pour habituer le coq aux clameurs des lices ou des gallieras. son maître le place à côté des tambours ou lui introduit la tête dans le pavillon d’un gros instrument de cuivre. S’il y a combat à l’occasion de la fête d’un village, les amateurs s’y transportent tenant avec amour dans leurs bras les champions emplumés. On ne s’imagine pas combien ces derniers sont choyés, caressés, fêtés, jusqu’au moment où, pour les irriter, les becs de leurs rivaux ont la liberté de leur enlever quelques plumes de la tête. C’est le moment où les paris s’engagent, et, lorsqu’ils sont établis, deux coqs sont placés en face l’un de l’autre avec des éperons d’acier aux ergots. A un signal donné, les propriétaires des combattans se retirent, et le duel commence. Dès le premier choc, souvent l’un des coqs tombe, la gorge entr’ouverte et comme foudroyé. Si la lutte se prolonge, les spectateurs, au nombre de trois ou quatre cents, encouragent les animaux de la voix et du geste. Ils y apportent l’ardeur et jusqu’au délire des habitués de nos courses. Ce qui rend ces combats palpitans d’intérêt pour les parieurs, c’est l’espoir ou la crainte de voir le coq victorieux tourner honteusement le dos à sa victime aussitôt après le triomphe. Dans ce cas, ce sont les partisans du coq tué qui empochent les sommes engagées. Cela arrive peu, car presque toujours le vainqueur se plaît à tourner autour du cadavre de son adversaire et à remplir les airs de son chant de victoire. Et les vaincus, si fortement adulés, caressés avant leur défaite?