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de 50 à 60 centimètres. Il s’agit moins en effet de représenter des formes que de rappeler quelque légende. Les matériaux employés sont le bois, la terre cuite et surtout le bronze, dont nous ne parlerons en ce moment qu’au point de vue esthétique. On s’attend naturellement à trouver dans cet art civil un plus grand choix de sujets, une plus grande part d’initiative chez l’artiste, une liberté d’expression plus heureuse. Il n’y faut pas trop compter cependant. Si la plastique n’est plus enchaînée ici par les formules hiératiques, elle n’en est pas moins asservie par la routine et répète éternellement les mêmes sujets, dans les mêmes poses et les mêmes attitudes, avec une désolante monotonie. Rarement le modeleur se laisse aller à son inspiration personnelle et recherche dans son œuvre le mérite de l’invention. Un amateur qui ne ferait qu’une rapide visite dans une collection bien choisie serait émerveillé au premier abord de la variété des objets placés sous ses yeux et de la fantaisie capricieuse qui semble présider à la conception de chacun d’eux; mais si, étudiant de plus près et plus longtemps l’iconographie japonaise, il retrouve à chaque pas, copiés avec une servile exactitude, la pose, l’expression, le geste qui l’avaient ravi, cette menteuse fertilité lui paraîtra stérile; ce perpétuel plagiat lui fera l’effet agaçant d’un bon mot répété. Il constatera qu’il tourne dans un cercle borné où rien de nouveau ne s’invente, où le nombre des types représentés est aussi restreint que la manière de les traiter est invariable.

Ces types, qui ne les connaît déjà, qui ne les a vus vingt fois dans les expositions ? C’est un guerrier debout ou à cheval sur un lourd destrier, d’un aspect rébarbatif, à longue barbe et portant une lance au fer recourbé ; c’est le sage assis sur le dos d’un cerf docile, un rouleau de papier à la main ; c’est le sen-nin ou saint, voyageant à dos de poisson ou juché sur un cheval : il a le crâne développé au point d’en être difforme; c’est l’ascète à longue barbe, méditant sur son rocher, ou bien le dieu des richesses, Daï-koku, assis sur des sacs de riz; celui de la guerre, Bishammon, brandissant sa lance, tous ventrus, poussifs, burlesques, ricanans. Un homme découvre un thorax nu, dont les côtes sont saillantes à force de maigreur : c’est un héros du renoncement ; un pèlerin se reconnaît à sa gourde ; un autre est pris par un coup de vent, et ses vêtemens voltigent avec beaucoup de légèreté autour de lui. Il est visible que l’art a eu une époque classique qu’il faut placer au XVIIe siècle, au moment des grands temples de Nikko, de Shiba et des communications fréquentes avec les Chinois et les Hollandais, et que depuis lors il n’a fait que vivre sur son passé, se rééditer sans se renouveler.

Tel qu’il est cependant, quels sont ses mérites? Assurément ce