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toutes les principautés établies sur le cours supérieur de l’Oxus ou sur les bords de ses affluens. Enfin, au-delà de l’Oxus, dans une oasis protégée par une ceinture de sables, l’orgueilleux khan de Khiva disputait à l’émir de Boukhara la possession des bouches de l’Oxus, et prétendait étendre sa domination jusqu’à la mer Caspienne et jusqu’à la Perse. Tous ces états ont senti successivement le poids des armes russes.

Le premier pas des Russes dans l’Asie centrale fut marqué par la construction en 1847 du fort Raim à l’embouchure du Syr-Daria dans la mer d’Aral. Ce fort était le dernier anneau de la chaîne de postes fortifiés et de colonies de Cosaques qui partait de l’Oural et avait pour objet de couper toute communication entre les Kirghiz établis dans le voisinage de la mer Caspienne et les Kirghiz de la Sibérie. Deux navires démontés furent apportés pièce par pièce en 1848 au fort Raim et servirent à l’exploration de la mer d’Aral, au milieu de laquelle les Russes découvrirent des îles étendues, non-seulement inhabitées, mais complètement inconnues des populations riveraines. L’établissement des Russes à l’embouchure du Syr-Daria fut une nouvelle cause de conflit avec les Khokandiens. La lutte s’engagea : elle eut pour conséquence de faire tomber successivement au pouvoir des Russes les forts que les Khokandiens avaient établis sur le cours inférieur du fleuve; elle se termina par la prise de la forteresse khokandienne d’Ak-Masjid, enlevée d’assaut en 1853 par le colonel Pérovsky. Les généraux russes résolurent alors de prolonger la ligne de postes fortifiés qui s’arrêtait à Raim jusqu’à la rencontre de celle qui avait été établie au sud de l’Yrtish pour protéger les Kirghiz sibériens. On aurait ainsi constitué une ligne non interrompue de postes militaires depuis l’Oural jusqu’à la Mongolie, et rétabli, après plusieurs siècles d’intervalle, une des routes créées par Djinghis-Khan pour servir au commerce de la Chine avec l’Europe et la Perse. La guerre de Crimée vint ajourner à dix années l’exécution de ce dessein. L’insalubrité du fort Raim, inondé à chaque crue du fleuve, contraignit les Russes à transférer à Kazala, à la tête du delta du Syr-Daria, leur principal établissement militaire, qui est devenu une ville florissante. Ils reconstruisirent et armèrent à l’européenne Ak-Masjid, appelée fort Pérovsky, du nom de son vainqueur, et le fort khokandien de Jalek, devenu le fort n° 2, demeura pendant quelques années leur poste le plus avancé. Les Russes se tinrent sur la défensive, assaillis constamment par les Khokandiens, qui désiraient rétablir leur suprématie sur les Kirghiz. Cette lutte incessante donna lieu à quelques faits d’armes héroïques. Au mois d’octobre 1860, le colonel Kolpakofsky, abandonné à ses seules forces pour défendre la vallée de l’Ili et n’ayant avec lui que 800 hommes et 6 canons, surprit dans le défilé d’Urzun-Agatch