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traite son matériel et ses bagages et enterrer dans le sable une partie de son artillerie. Pareil sort faillit arriver au corps d’armée principal, commandé par le général Kaufmann en personne : ses bagages, et une grande partie du matériel et des munitions durent être laissés au milieu du désert de Kyzilkhum, sous la garde d’un détachement, pendant que le reste des troupes poussait à marches forcées vers l’Oxus, qui fut franchi avec difficulté. Si l’émir de Boukhara, au lieu de venir en aide aux Russes s’était déclaré contre eux et avait coupé leurs communications, le corps d’armée du général Kaufmann aurait péri par la faim et la soif, La colonne partie d’Orenbourg arriva seule en bon état à Koungrad, sur la mer d’Aral, qui avait été désigné comme rendez-vous général. Ce fut elle qui attaqua la ville et qui y pénétra la première. Le khan se rendit à discrétion. Le général Kaufmann lui accorda la paix, mais aux plus dures conditions. Toute la partie de ses états située sur la rive droite de l’Oxus fut annexée aux possessions russes; l’émir de Boukhara reçut un district qui était depuis longtemps un sujet de contestation entre les deux principautés. Le khan se reconnut le vassal du tsar blanc, La navigation de l’Oxus fut réservée exclusivement aux Russes, sans le consentement desquels les barques des Khiviens et des Boukhariens ne pouvaient plus ni descendre ni remonter le fleuve. Les privilèges commerciaux les plus étendus étaient assurés aux sujets russes, dont les contestations avec les sujets du khan devaient être soumises au jugement de l’autorité russe la plus rapprochée. Une indemnité de guerre de 2,200,000 roubles fut stipulée, et comme cette somme eût épuisé le pays, le paiement, avec les intérêts à 5 pour 100, en fut réparti sur une période de vingt années; le premier versement devait avoir lieu en décembre 1873, et le dernier en novembre 1893. Comme un conseil de gouvernement avait été formé dans lequel des fonctionnaires russes devaient siéger à côté des dignitaires khiviens, il est facile de voir qu’une pareille paix n’était qu’une annexion déguisée. On est fondé à croire que, sans les engagemens pris au commencement de 1873 par le comte Schouvalof, lorsqu’il fut envoyé à Londres pour donner des explications au gouvernement anglais, le khanat de Khiva serait devenu tout entier une province russe.

De tous les états voisins de la mer d’Aral, le Khokand, bien que démembré par la perte successive de la rive droite du Syr-Daria, et des provinces de Tashkend et de Khodjent, conservait seul une sorte d’indépendance. Le souverain de cet état, Khudayar, qui avait connu deux fois les amertumes de l’exil, était décidé à ne point aventurer sa couronne dans une lutte dont l’exemple de ses voisins lui avait révélé tout le danger. Il était demeuré sourd aux propositions d’alliance et aux demandes de secours qu’il avait reçues de