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crosses pastorales, les calices, les ostensoirs, les saints-ciboires, les encensoirs, les croix, les chandeliers, et dans le corridor qui longeait, à cette époque, toute la première division, ils jouèrent à la messe et à la procession. Quand ils se furent bien amusés, les vases et les ornemens furent chargés dans un fourgon et portés à la Monnaie. Ces bravades d’impiété étaient fort à la mode sous la commune ; l’autel d’une chapelle que nous ne nommerons pas servait de lit nuptial à Sérizier.

Ces prêtres, ces religieux, nous les retrouverons plus tard à Mazas, où ils furent transférés le 6 avril en même temps que M. Bonjean ; nous les retrouverons aussi à la Grandet-Roquette, comme nous trouverons à Sainte-Pélagie le pauvre Gustave Chaudey, écroué le 13 avril au dépôt et transporté à Mazas dès le lendemain. La commune appliquait la loi des suspects ; son livre d’écrou est intéressant à consulter. Qui jamais pourra savoir pourquoi M. Glais-Bizoin, M. Schœlcher, ont traversé les cellules du dépôt ? Les ordres d’arrestation tombent au hasard, comme la foudre tombe du ciel. Le 7 avril, M. Kahn, greffier, est de service ; de sa longue écriture renversée, il vient d’écrouer sous le no 1,801 un certain Victor arrêté sans motif par ordre du citoyen Chapitel, chef de bureau à la permanence ; subitement l’écriture change, et le no 1,802 est l’écrou de M. Kahn lui-même, que l’on enferme dans la cellule no 11, sur mandat de Th. Ferré, sous prétexte qu’il a proféré des menaces contre les membres de la commune et qu’il entretient des intelligences avec Versailles. Il reste détenu jusqu’au 16 mai. Parfois le registre fait des révélations curieuses et affirme, d’un mot, la vérité de certains faits qui jadis avaient été niés énergiquement. — 2 mai : C… (Eugène), cordonnier, a dénoncé, sous l’empire, le complot des bombes. — Ceci est un aveu qu’il eût été plus prudent de retenir.

La situation des personnes incarcérées était devenue fort inquiétante depuis le 5 avril. Jusque-là on avait pu croire à une sorte d’abus d’autorité commis par esprit de taquinerie malfaisante et par ignorance ; mais alors il fallut changer d’opinion, regarder les choses en face et comprendre qu’elles cachaient un péril redoutable. L’issue désastreuse du combat du 8 avril, de la fameuse sortie en masse, avait exaspéré la commune, qui reconnaissait du même coup sa faiblesse congénitale et la force de ce grand parti des honnêtes gens que l’on n’attaque pas toujours en vain. Elle eut immédiatement recours aux mesures excessives ; se sentant perdue dans un avenir plus ou moins prochain, elle voulut appuyer sa débilité sur la terreur. Elle fit afficher une proclamation et un décret qui remplirent de stupeur la partie saine de la population restée à Paris : « Les coupables, vous les connaissez ; ce sont les