Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/705

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette situation n’est possible que dans l’état clérical, et on se propose d’étendre le système de l’état clérical à l’univers entier, c’est-à-dire à tout pays où réside seulement un catholique. » Au surplus, il se défendait toujours d’avoir voulu, de gaîté de cœur, susciter un conflit confessionnel. « Si le conflit a éclaté, avait-il dit précédemment, prenez-vous-en à l’action, non de l’église catholique, mais du parti qui gouverne aujourd’hui cette église et qui prétend soumettre la société moderne à sa domination. Ce parti a inauguré une politique attentatoire aux droits de l’état, et je ne pouvais, comme ministre, assumer la responsabilité d’une plus longue patience. » Après cela, il se déclarait prêt à faire la paix, mais il entendait en dicter les conditions. L’église ne les a point acceptées ; ni les amendes, ni les séquestrations de biens, ni les suspensions de traitemens n’ont pu vaincre sa résistance. M. de Bismarck espérait la réduire en l’affamant ; elle n’est jamais plus riche que dans ses détresses, elle convertit le cuivre en argent et l’argent en or, l’abondance des aumônes lui refait un trésor, et elle dit à ceux qui la nourrissent : — Ne vous effrayez point, Attila voulait détruire, il a édifié.

Que l’abolition du pouvoir temporel ait été un grand bien pour les Romains, trop longtemps soumis à un détestable gouvernement, et pour l’Italie, qui avait besoin d’une capitale il n’est pas permis d’en douter ; mais il est certain aussi que cette révolution, la plus importante, la plus définitive du siècle ; a causé beaucoup d’embarras aux gouvernemens étrangers et compliqué leurs relations avec le Vatican. Lorsque le pape était un souverain temporel, il était lié par une étroite communauté d’intérêts à la cause des rois et des empereurs ; dans tous les pays, la politique conservatrice trouvait en lui un allié, et le souci qu’il avait de conserver son patrimoine était un frein efficace contre l’abus qu’il aurait pu faire de son autorité spirituelle. En 1869, l’impératrice Eugénie disait à une personne de son entourage gagnée à la cause italienne : « C’est dans notre intérêt plus encore que dans celui du souverain pontife que nous ne permettons pas aux Italiens d’aller à Rome, car il nous importe que le souverain pontife soit des nôtres. » Depuis qu’il a perdu ses états, le pape n’est plus occupé que de sa mission apostolique, et les considérations d’une politique vulgaire ne le gênent plus dans l’expression de sa pensée. Il possède désormais l’absolue liberté de la parole et de l’anathème. Lamennais écrivait jadis : « Le vicaire de Jésus-Christ se trouve, dans l’exercice de ses fonctions divines, dépendant des relations et des intérêts du prince temporel. A cause de sa faiblesse relative dans l’ordre purement politique, obligé de ménager les plus dangereux ennemis de l’église, malgré lui il est entraîné dans un système de concessions qui s’élargit sans cesse. Il tend les mains, et un autre le ceint et le conduit où il ne voudrait pas aller. » Ce temps n’est plus ; réduit à sa puissance spirituelle, le pape a pu s’affranchir de toutes les précautions diplomatiques, il n’est plus solidaire des pouvoirs établis, et n’ayant