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république sérieusement conservatrice. Nous admettrons tout ; mais en fin de compte il n’y avait rien de perdu. Ni la paix intérieure ni la paix extérieure n’étaient menacées ; les grandes institutions du pays ne risquaient pas de rester sans défenseurs même dans la chambre, et si tant est qu’il y eût une situation confuse, indécise, à rectifier ou à raffermir, le meilleur moyen n’était pas certainement de recourir à une sorte de révolution, à des actes d’omnipotence personnelle, à des combinaisons ou à des procédés dont le principal inconvénient est de laisser tout craindre, parce qu’ils dépassent toute mesure. On a voulu combattre un danger et on a créé un autre danger ; à des difficultés qui n’avaient rien d’insoluble, dont on aurait eu raison avec un peu de patience et de fermeté, on a opposé un expédient de politique qui devient une menace moins par lui-même que par les conséquences imprévues auxquelles il peut conduire : voilà la vérité !

Non, sans doute, cet acte du 16 mai, qui a éclaté si brusquement, n’est ni une révolution véritable, ni un coup d’état ; Il n’est pas, il ne peut pas être la victoire d’une politique de cléricalisme, qui conduirait fatalement à des complications extérieures visibles pour tout le monde. Il n’est point par lui-même une violation de la légalité. Ni M. le président de la république, ni les nouveaux ministres, ne peuvent avoir la pensée de constituer une dictature dont ils seraient les premiers accablés, et ce n’est point probablement sans intention que M. le maréchal de Mac-Mahon a tenu à dire dans le message par lequel il a annoncé la prorogation aux chambres : « Je n’en reste pas moins, aujourd’hui comme hier, fermement résolu à respecter et à maintenir les institutions qui sont l’œuvre de l’assemblée de qui je tiens le pouvoir et qui ont constitué la république. Jusqu’en 1880, je suis le seul qui pourrait proposer un changement, je ne médite rien de ce genre ; tous mes conseillers sont, comme moi, décidés à pratiquer loyalement les institutions, et incapables d’y porter aucune atteinte. » Ainsi le gouvernement entend ne porter aucune atteinte aux institutions qui ont organisé la république, il n’en médite même pas la révision régulière. Le gouvernement ne veut pas se laisser entraîner et compromettre par les manifestations cléricales, M. le maréchal de Mac-Mahon a fait déclarer, dès le premier jour, qu’il les réprimerait énergiquement. Le gouvernement d’aujourd’hui n’a pas d’autre politique extérieure que celle du gouvernement d’hier. « Sur ce point, aucune différence d’opinion ne s’élève entre les partis. Ils veulent tous le même but par le même moyen. Le nouveau ministère pense exactement comme l’ancien, et, pour attester cette conformité de sentimens, la direction de la politique étrangère est restée dans les mêmes mains. » Il n’y a rien de changé, ni dans la politique extérieure, ni dans les institutions, il n’y a qu’un ministère conservateur de plus ? ce qu’on veut, c’est arrêter au passage un programme de