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générations ; les semences importées du midi donnent d’abord des moissons tardives, mais les plantes sont acclimatées au bout de trois ou quatre générations, et elles arrivent alors à maturité en même temps que leurs congénères.

Ces faits d’ailleurs ne ressortent pas seulement d’expériences continuées pendant un certain nombre d’années par M. Schübeler et des collaborateurs qu’il a su intéresser à ses recherches, ils sont confirmés par la pratique courante. On sait que l’instruction est très répandue en Norvège ; il n’est pas rare de trouver, dans les fermes des paysans, des livres tenus avec soin et contenant, pour chaque année, les comptes de recettes et de dépenses de l’exploitation rurale, avec de nombreux détails sur les rendemens, les circonstances météorologiques, l’époque des semailles et des moissons, etc. Il existe des domaines qui ont ainsi trente et quarante années d’observations régulières. M. Schübeler a pu notamment compulser les précieux registres d’observations de quatre fermes échelonnées entre le 60e et le 70e parallèle de latitude nord : ce sont les fermes de Halsnô, de l’école d’agriculture de Bodö, de Strand et de Skibotten. Il a constaté que la durée de végétation diminue à mesure qu’on remonte vers le nord ; ainsi, par exemple, l’orge à quatre rangs exige 117 jours pour mûrir à Halsnö, 102 à Bodö, 98 à Strand, 93 seulement à Skibotten (69° 1/2 latitude nord). Les féveroles demandent 157 jours à Halsnö, 127 seulement à Bodö, et ainsi de suite. Le phénomène est donc général, l’influence de la latitude très marquée.

Cependant il ne faut pas oublier que, dans les régions les plus septentrionales, le climat devient déjà rigoureux ; la culture régulière n’y existe plus qu’exceptionnellement, dans les localités les mieux abritées, comme le district d’Alten, qui est situé par 70° de latitude, au fond d’un beau fiord. A Alten, l’orge, semée du 15 au 20 juin, arrive à maturité en 80 jours ; on en a même récolté une fois 55 jours après la semaille. De même, à peine débarrassée de son manteau de neige, la prairie est déjà verte, et au bout de 60 ou 70 jours, l’herbe est bonne à être fauchée. Cette précocité des végétaux du nord est mise à profit par les agriculteurs suédois et norvégiens. Gagner quelques jours sur l’époque habituelle de la moisson est en effet une grosse affaire dans ces pays, où le climat est rude, où les gelées arrivent dès le mois de septembre et empêchent parfois les grains de mûrir ; une semence qui donne plus vite ses épis y suffit pour assurer la récolte. « Aussi, dit M. Tisserand, les céréales des hautes latitudes et surtout les orges d’Alten sont-elles très recherchées dans toute la Norvège pour les semailles. Avec elles, la moisson se fait, la première année, à Christiania, de vingt à trente jours plus tôt qu’on ne l’obtiendrait avec les grains du pays ; pendant les années suivantes, l’avance va en diminuant, et au bout de trois ou quatre ans il faut renouveler la semence. » Sur la côte méridionale du