Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/744

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tsar[1]. Cette sorte de garde-frontières de Cosaques s’est étendue en Europe et en Asie avec l’extension des limites de l’empire. On y a même fait entrer quelques tribus d’origine étrangère. Les progrès de la puissance russe dans la Transcaucasie et l’Asie centrale ont fini par laisser le gros des Cosaques en arrière, bien en deçà des frontières qu’ils devaient défendre. Le rôle de ces populations guerrières s’est ainsi peu à peu complètement transformé. En cessant d’être aux avant-postes une sorte de cordon militaire ou de barrière continue contre les incursions des Tatars, des Circassiens ou des Kirghiz, les Cosaques sont devenus pour l’armée russe une réserve aguerrie et toujours disponible, obligée, en échange de certains privilèges, de s’équiper et de se monter elle-même. Exempts, pendant la paix, du recrutement comme de l’impôt direct, ils devaient, en cas de guerre, fournir des contingens d’autant plus nombreux que plus grandes étaient leurs immunités. Il semble que, chez ces communautés de tout temps vouées aux armes, les charges dussent être égales, et que, pour être obligatoires, les exercices militaires en temps de paix, le service à l’ennemi en temps de guerre, n’aient pas dû attendre la loi nouvelle. En fait, il n’en était pas toujours ainsi ; chez plusieurs de ces Cosaques s’étaient introduits les privilèges, les exemptions, le remplacement. L’une des récentes mesures du gouvernement a été de les supprimer et d’assurer le fonctionnement régulier du service. Ces réformes, appliquées en 1875, ont été l’occasion d’une courte émeute de l’armée de l’Oural[2].

Les Cosaques sont, selon les régions, divisés en armées (voiska) du Don, du Kouban, du Terek, d’Astrakan, d’Orembourg, de l’Oural, de Sibérie, du Transbaïkal et de l’Amour. Les Cosaques du Don sont de beaucoup les plus importans par leur nombre comme par leur position la plus rapprochée de l’Europe. Naguère le contingent de l’armée du Don se recrutait par engagemens volontaires ; les hommes qui partaient recevaient des autres, tous légalement appelés au service, une indemnité qui se payait sous forme d’impôt. Les règlemens nouveaux abolissent cette sorte d’exonération, chaque Cosaque est tenu au service personnel, à partir de dix-huit ans, pour vingt ans. Les trois premières années sont consacrées à l’étude du

  1. Le rôle des Cosaques a bien changé avec l’histoire ; nous n’en parlons ici qu’au point de vue militaire, rappelant au lecteur que, depuis les Zaporogues de l’Ukraine, les turbulens sujets de la Pologne, jusqu’aux Cosaques du Don, les complices de Stenko Razine et de Pougatchef, les Cosaques ont longtemps formé des communautés militaires à demi indépendantes.
  2. L’ancienne organisation des Cosaques peut être rapprochée de celle des anciens confins militaires de l’Autriche-Hongrie ; mais le régime des premiers était d’ordinaire moins sévère, moins exclusivement militaire que celui auquel étaient soumises les populations serbo-croates des confins autrichiens.