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à leurs espérances, la faute n’en sera pas au nombre de leurs troupes, mais à l’organisation, à l’administration, aux services accessoires, à l’instruction des soldats ou des officiers, car on n’a pas encore tout dit d’une armée quand on en a compté les hommes.


III

Les deux armées russes qui opèrent aujourd’hui contre la Turquie répondent à une division déjà ancienne et naturelle des forces de l’empire. Obligée de regarder à la fois vers l’Europe et vers l’Asie, comme l’aigle à deux têtes de son écusson impérial, la Russie a eu autrefois en temps de paix deux armées plus ou moins complètement organisées : l’une, la plus considérable, cantonnée de façon à pouvoir être portée sur les frontières européennes ; l’autre, la moins nombreuse, mais longtemps aguerrie par de continuels combats, campée dans les provinces du Caucase et destinée à servir en Asie. De ces deux armées, l’une, dite naguère la première armée active, avait depuis des années cessé d’avoir une organisation permanente ; la seconde, l’armée du Caucase, n’a pas, depuis la soumission de la Circassie et du Daghestan, cessé d’être constituée comme à la veille d’une guerre.

En dehors du Caucase, la Russie dans ces derniers temps n’avait plus ni armée ni corps d’armée organisé d’une manière stable ; la garde impériale faisait seule exception. Cette lacune pouvait d’autant plus surprendre que de 1811 à 1864 la Russie a été, avec la Prusse, le seul des états de l’Europe à laisser en temps de paix ses forces militaires divisées par corps d’armée. Ce système fut abandonné quelques années après la guerre de Crimée, comme s’adaptant mal aux conditions particulières de la Russie et à son mode de recrutement. On y substitua une répartition régionale qui subsiste encore aujourd’hui. L’empire est partagé en quatorze circonscriptions ou arrondissemens militaires (voiennyié okrouga) dont dix en Europe, un au Caucase, trois en Asie. Le pays des Cosaques du Don, qui reste, en dehors de ces circonscriptions, en porte le nombre à quinze. Le commandant de chacune de ces quatorze régions a près de lui un comité ou conseil de guerre, il a sous ses ordres toutes les troupes cantonnées dans l’arrondissement, il doit veiller à toute