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civilisées du globe, rapprocha leurs industries de celle des ancêtres danois et, de 1838 à 1843, créa l’ethnologie comparée. Ce n’est pas à dire que les sauvages d’aujourd’hui soient de même race que les anciens habitans de l’Europe ; mais les conditions de leur existence sont analogues, et ils satisfont aux mêmes besoins par des moyens semblables. En effet, il existe encore sur la terre des peuplades qui ne connaissent pas l’usage des métaux ou qui les reçoivent seulement en petites quantités et comme objets de luxe ; elles n’ont rien à donner en échange au commerce du reste du monde.

C’est Thomsen et Nilsson qui distinguèrent les premiers l’âge de la pierre de celui du bronze ; ils avaient constaté dans les contrées du nord toute une classe de tombeaux où, avec les squelettes et de grossières poteries, on ne trouve que des objets de pierre sans aucune trace de métal. Dans d’autres, il se trouvait des objets de bronze ayant manifestement la même destination que ceux de pierre et les ayant remplacés. Dans d’autres encore apparaissait le fer, reproduisant, à peine modifiées, les formes du bronze des autres sépultures. Il parut évident que, si les hommes de la première série avaient eu le bronze, ils l’eussent employé de préférence à la pierre, et que, si ceux de la seconde avaient eu le fer, le bronze eût été délaissé par eux.

Ainsi furent établies les premières distinctions entre les trois âges préhistoriques. Les années qui suivirent les confirmèrent. Deux ans après en effet, M. Worsaœ, Danois, dans son livre sur les Temps anciens du Danemark, s’appliqua à élucider les nombreuses découvertes de l’âge du bronze faites dans ce pays. Cependant, jusqu’à l’année 1853, un très petit nombre d’écrits vinrent augmenter le corps d’une science qui sembla confinée dans le nord de l’Europe. On n’a guère à citer sur l’époque du bronze que le mémoire de M. Simon, de Metz, sur la découverte de Vaudrevanges, commune voisine de Sarrelouis ; on y avait trouvé quatre haches, un moule, un glaive, un mors de cheval, quatorze bracelets et beaucoup d’autres menus objets, tous de bronze. C’était un vrai trésor, mais il n’apportait à la science que peu d’idées nouvelles.

La Suisse fit le second pas. En 1853 furent reconnues dans le lac de Zurich, et bientôt après dans d’autres lacs de ce pays, ces anciennes habitations sur pilotis auxquelles on a donné le nom de palafittes. À cette découverte, d’une immense portée scientifique, reste attaché le nom du docteur Keller. Elle confirmait pleinement les principes énoncés en Danemark et en Suède dix ans auparavant. Ces habitations présentèrent en effet, non plus les uns à distance des autres, mais superposés, les trois âges préhistoriques. Dans les couches supérieures de débris, on trouvait le fer mêlé au bronze ; dans les couches moyennes, gisant au-dessous d’elles, le