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et rompus. Le modelé du visage a la fermeté de la statuaire et la souplesse grasse de la peinture. Les méplats largement marqués se fondent dans le moelleux de la pâte ; les joues s’arrondissent avec un relief surprenant. Et quelle intensité de vie dans ce regard fixe et dans cette bouche frémissante ! On dirait un Holbein, ou un Antonello de Messine, avec plus de souplesse et de charme. Peut-être y a-t-il plus de mâle vigueur dans cette petite tête d’enfant, qui place M. Paul Dubois au premier rang des peintres contemporains, que dans le fameux Chanteur florentin qui a fait sa réputation comme sculpteur. L’autre portrait de M. Paul Dubois, celui de la princesse de B…, mérite aussi beaucoup d’éloges. La couleur est sobre et vigoureuse, le modelé ferme et large, l’ajustement d’une simplicité de haut goût. Une légère critique toutefois : la jupe, où ne se joue pas la lumière, paraît plaquée contre le fond.

Le portrait du doyen des notaires de Paris, par M. Cot, est largement peint et vigoureusement modelé. L’habit à la française, les culottes, le large rabat de dentelles, les manchettes plissées, costume officiel des notaires, y donnent un certain caractère XVIIIe siècle qui ne messied pas. Le portrait de M. Cambon par lui-même rappelle par la tournure les portraits du XVIe siècle. Drapée dans un grand manteau de drap à collet de velours noir qui n’est d’aucune époque, la figure vue de profil se détache en silhouette sur une teinte plate de vert clair. Quoique ce corps soit d’un relief un peu mince, et que le visage et les mains trahissent trop de mollesse d’exécution, ce portrait aurait bon air dans la galerie des portraits de peintres du musée des Offices. Le portrait du grand-rabbin de France indique chez M. Alphonse Hirsch de très sérieux progrès. La figure est bien posée ; la facture est ferme et précise ; les mains, le fauteuil, les livres sont enlevés avec liberté. La tête, encore d’un modelé un peu dur, a beaucoup de relief. M. Isidor est, paraît-il, très ressemblant. Or c’est, quoi qu’on en puisse dire, un grand mérite pour un portraitiste que de savoir donner la ressemblance. Que M. Alphonse Hirsch assouplisse encore son pinceau, et il marquera parmi les peintres de portraits. Un autre portrait plein de qualités, mais d’une exécution également un peu dure, c’est celui de M. Léopold Flameng, par son fils François Flameng. Le lumineux aquafortiste est peint en tenue de travail, vareuse et béret, devant une table où il s’occupe à faire mordre un cuivre. La tête, bien modelée par larges méplats, n’a pas toutefois la souplesse de la chair. La préparation des mains est excellente, mais il eût fallu y revenir, et surtout faire disparaître le fâcheux raccourci du pouce droit, dont la seconde phalange est étranglée.

Le pinceau héroïque de M. de Neuville semblait bien fait pour