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sur le ciel un regard inspiré, relève de son bras droit au-dessus de sa tête, dans la pose adorable d’une néréide ou d’une danseuse d’Herculanum, le pan de son himation, et tient dans la main gauche, affaissée le long de la cuisse, un rouleau de papyrus ? Ce n’est point dans cette attitude que méditent les humains, les dieux ou même les symboles. La tête et le bas du corps appartiennent à Polymnie, mais le buste et le bras sont de Terpsichore. La décision du jury, qui a décerné à M. Chapu la médaille d’honneur, sera cependant approuvée. La Pensée est une belle statue d’un galbe élégant, d’une savante exécution, d’un harmonieux agencement et d’un choix de formes exquis et mâle.

Si on voyait dans les longues galeries du Vatican ou au milieu d’une salle des Uffizzi ou du British Muséum le Mariage romain de M. Guillaume, nul doute qu’on ne le prît pour l’œuvre d’un maître gréco-romain. On ne saurait pousser plus loin l’inspiration et l’interprétation de l’antique dans son caractère de grandeur et de simplicité. Les époux sont assis à côté l’un de l’autre sur une escabelle jumelle recouverte d’une peau de brebis. La femme met sa main droite dans celle du mari, qui la lui a tendue. L’homme est vêtu de la toge, qu’il porte, un pan passé autour des reins et l’autre ramené sur la tête, selon la manière particulière qu’avaient les Romains d’ajuster la toge et qu’ils appelaient le cinctus Gabinus. L’épousée a le long flammeum, qui, descendant du sommet de la tête, dont il ne découvre que l’ovale du visage, enveloppe en entier le vêtement de dessous et descend jusqu’aux pieds. Le Romain a la mâle beauté des bustes. A son expression de dignité et de résolution, on sent l’intrépide défenseur de la cité, le maître puissant et bienveillant du foyer, le sûr compagnon du voyage de la vie. Les yeux chastement baissés, la jeune femme exprime la soumission fière et la joie contenue. Elle sera l’austère gardienne de l’honneur conjugal, l’épouse respectée du citoyen, la mère vénérée des nombreux enfans que demande la patrie. M. Guillaume a montré un Romain et une Romaine non pas seulement dans leur ajustement et dans leurs traits, mais dans leur caractère et dans leurs sentimens. On ressent devant ce beau groupe l’impression profonde qu’inspirent les œuvres qui atteignent à la grandeur par la simplicité. Cela repose de tant de figures maniérées et contournées, et de tant de sujets de pendules qui accrochent le regard au milieu du jardin. Les arêtes un peu dures et les reliefs un peu accentués du plâtre de M. Guillaume s’atténueront dans le marbre qui enveloppe la forme et donne la vie aux figures. Clésinger l’a dit : La terre c’est la vie, le plâtre c’est la mort, le marbre c’est la résurrection.

Encore que Perraud pour son bas-relief des Adieux se soit