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dans le tableau commercial publié par les douanes espagnoles. Je veux parler du riz, des huiles du cocotier, du charbon de terre, des bois de construction et d’ébénisterie, des gommes, des résines et des autres produits du sol qui se consomment sur place. Le riz est le pain des Indiens ; aussi donnent-ils tous leurs soins à la culture de cette céréale. Il n’y en a pas moins de quatre-vingts espèces dans l’archipel ; les uns exigent des terrains secs et élevés, d’autres des terres momentanément inondées. Le riz se sème en juin lorsqu’il doit croître dans des terres fangeuses, et déjà en décembre on peut le couper ; celui qui vient dans des terrains secs n’a besoin que de trois mois pour arriver à maturité ; l’Indien, s’il est actif, en obtient aisément deux récoltes. Pour détacher l’épi de la tige, il suffit de le fouler aux pieds ; hommes et buffles y sont employés. Pour décortiquer le grain, on le place dans un grand cylindre en bois profondément creusé, puis deux personnes, munies chacune d’un long pilon, le battent jusqu’à ce que le riz se montre blanc et débarrassé de son enveloppe dorée. Des spéculateurs européens ont bien importé à Manille des machines à battre, mais les indigènes ont de la répugnance à s’en servir. En 1850, un morceau de terre transformé en rizière et d’une valeur de 500 piastres produisait un revenu net de 8 3/4 pour 100 ; mais comme on peut, avec de l’activité, faire deux récoltes, ce revenu est aisément doublé. Aujourd’hui encore, si les grains manquent en Chine ou dans les colonies voisines de Manille, ce magnifique rendement peut être réalisé.

Le cocotier, quoique abondant dans tout l’archipel, ne se trouve pas dans la province de Manille, et cela par ordre du gouvernement. Avec le fruit, le vin, l’écorce et l’huile que produit ce palmier, l’Indien n’avait nullement besoin de travailler pour se nourrir, boire, s’habiller et s’éclairer. Afin d’obliger l’indigène indolent à s’occuper aux alentours de la capitale ou à s’y employer pour vivre, les Espagnols ont dû prendre cette mesure radicale ; elle ne s’étend pas aux provinces limitrophes. Chaque cocotier produit annuellement quarante noix environ : de leurs blanches amandes, on extrait de l’huile à brûler excellente ; on tire encore du cocotier des textiles, une sorte de vin dont les Indiens sont excessivement friands, et beaucoup d’autres choses utiles aux naturels. Un cocotier en plein rapport, s’il croît en plaine, donne à son propriétaire une rente annuelle de 5 francs ; dans la montagne, le rendement n’atteint que la moitié de ce chiffre, sans doute en raison de la difficulté que l’on éprouve à y faire venir des travailleurs. Si le cocotier fournit à l’Indien les moyens de vivre sans travail, le bambou, de son côté, lui offre spontanément et partout ce qu’il lui est nécessaire pour élever sa hutte, fabriquer ses armes légères, les canaux de ses rizières et même des instrumens de musique. Trois arbres à peine suffisent