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siens à la citadelle, où son frère est de service : il compte y entrer sans coup férir ; mais contre toute prévision, Mariano Novalès résiste, une lutte acharnée et sanglante s’ensuit. L’insurrection allait triompher lorsque le général Martinez accourut avec un renfort de troupes fraîches et entoura les insurgés, trop peu nombreux pour résister. Novalès, Ruiz et quinze autres rebelles furent faits prisonniers et passés par les armes à l’entrée de la petite place de l’Archevêché. Ainsi se termina cette échauffourée, qui fit courir un danger sérieux à l’influence et à l’autorité espagnoles. Sans la fidélité du frère de celui qui était le principal instigateur de la rébellion, peut-être en était-ce fait des Philippines. Nous croira-t-on ? Mariano Novalès, le lieutenant fidèle, fut conduit à l’échafaud avec son frère et les autres insurgés ; il eût partagé leur sort, si la clameur publique, sur la place même de l’exécution, n’eût empêché son supplice. On commit néanmoins l’injustice de lui retirer son grade.

Cet événement, au lieu d’éclairer le gouvernement, ne fit qu’augmenter sa défiance à l’égard des indigènes, créoles, métis et Indiens. La ligne de démarcation entre ces derniers et les péninsulaires ne fit que se tracer davantage. Plus que jamais, les ministres éphémères de l’Espagne lancèrent leurs créatures à la curée du riche budget colonial, éloignant ceux qui étaient le plus en droit d’y prendre part. Pour parer aux dangers qui devaient naître d’une semblable politique, on fit partir de la Péninsule pour Manille tout un régiment de soldats européens ; mais les désordres auxquels ils se livrèrent aussitôt après leur débarquement dans l’honnête et paisible cité menacèrent de ruiner le prestige du nom espagnol. Il fallut les faire repartir. Quel hommage rendu à la vertu des Indiens ! Quel contraste entre ces hommes de l’ancien monde et les doux indigènes de ces contrées nouvelles ! Désormais il ne resta plus dans la citadelle que 300 artilleurs blancs, force d’ailleurs plus que suffisante pour la préserver d’un coup de main.

L’épuration de l’armée, c’est-à-dire l’armée sans officiers créoles dans ses rangs, et l’administration civile livrée à des Européens avides, ne purent contenter les conquérans. Il restait encore aux indigènes des curés de leur race et de leur pays, on songea à les supprimer ou du moins à sévir contre les plus patriotes. Pour arriver à ce résultat, il fallait exaspérer le clergé séculier en le dépouillant de ses prébendes, le compromettre aux yeux du pouvoir, et faire monter sur l’échafaud ceux des prêtres indiens qui murmureraient ou tenteraient de se soulever. Il semble que ce plan machiavélique ait été en tout point exécuté ; mais, pour en suivre la trame, quelques courtes explications sont nécessaires.

Dès les premières années de la conquête, les principaux diocèses