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enfin conspiraient les intérêts dynastiques des princes, jaloux de leur souveraineté, et la vigilance de la Sainte-Alliance, qui défendait son œuvre, restreignait peu à peu les rares libertés octroyées par les princes allemands, et imposait silence aux réclamations des vétérans de 1813, en même temps qu’aux chansons patriotiques des étudians.

Nos révolutions de 1830 et de 1848 ne produisent en Allemagne que des agitations stériles : les députés du parlement de Francfort sont des gens qui rêvent tout haut. Mais au milieu de ces événemens continuait, tantôt cachée, tantôt éclatante, la rivalité de la Prusse et de l’Autriche. La Prusse, plus propre par la religion et par la race à l’œuvre de l’unification de l’Allemagne, y prélude par la politique des intérêts en créant le Zollverein, et l’achève de nos jours par la politique de fer et de sang que dirige un des plus hardis génies des temps modernes. Dans cet exposé de l’histoire contemporaine, pas une parole passionnée n’est échappée à l’écrivain français ; il n’a pas fait une récrimination inutile : il a dit la vérité toute simple.


III

L’écrivain allemand ne s’est pas entendu à si bien faire. Son « excursion à travers l’histoire d’Allemagne » n’est guère bien conduite. A part quelques bonnes pages sur la période moderne, c’est une œuvre d’orgueil sans critique. On n’y manque point par exemple d’attribuer Charlemagne aux Allemands tout seuls : c’est une prétention que manifestent presque tous les écrivains germaniques, abusant de ce que le berceau de ce grand homme est dans le pays d’outre-Meuse et sa tombe à Aix-la-Chapelle, où les sacristains montrent son crâne pour 3 francs 75 centimes. M. Himly avait dit justement que le premier des empereurs-rois n’appartient en propre ni à l’une ni à l’autre nation : « Roi des Francs et empereur d’Occident, Charlemagne résume à la fois la tradition de l’ancien monde romain et l’invasion germanique qui en a triomphé. » Dans l’histoire du moyen âge, M. Daniel ne veut voir que les pompes du saint-empire, et il perd, à citer les termes de l’hommage fait par Henri II d’Angleterre à Frédéric Barberousse, un temps qu’il eût mieux employé à montrer les défauts des institutions. Il passe vite sur les choses les plus importantes, et s’arrête longuement pour reprocher au pauvre Rodolphe de Habsbourg de n’avoir pas compris « la magnifique conception de la puissance impériale embrassant le monde entier, » d’avoir sacrifié les droits de l’empire sur la partie du territoire pontifical qui de Radicofani s’étend jusqu’à Ceperano, d’avoir donné la Provence en dot à sa fille Clémence et perdu pour jamais ce beau pays. Notez que Rodolphe était un vaillant, mais très petit prince, choisi par les électeurs à cause de sa faiblesse même.