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la complaisance de l’autorité, aucun de ses bills n’est valable que s’il plaît au gouverneur ; mais comme d’autre part elle a capacité pour voter les taxes, elle peut rendre mauvais vouloir pour mauvais vouloir. Si le même principe de gouvernement prévaut dans les six colonies australiennes, les applications en sont, on le voit, à des degrés fort divers, et pour avoir une juste image du spectacle qu’elles présentent à cet égard, on n’a qu’à se figurer une France dont les différentes régions seraient soumises, les unes au système représentatif de la restauration, les autres à la charte de Louis-Philippe, les troisièmes au régime républicain et la dernière au régime impérial.

Ces parlemens australiens ont fait jusqu’à présent peu de bruit dans le monde, mais on ne peut demander à des assemblées coloniales élues par des régions qui comptent une population de 700,000 ou de 500,000, ou seulement de 100,000 âmes, et qui ne sont mêlées à aucun des grands intérêts moraux de l’humanité, les discussions élevées et brillantes et l’abondance de talens qui distinguent les parlemens de la vieille Europe. Les membres qui les composent, squatters enlevés à leurs runs, agriculteurs détournés de leurs charrues, mineurs enrichis et cacatoes prospères, n’ont pas eu le loisir et surtout l’occasion d’approfondir ces arts de la politique dont les très vieilles sociétés tiennent seules bonne école, et les questions strictement australiennes qui y sont débattues portent toutes sans exception sur des affaires de clocher lorsqu’elles sont futiles, et sur des affaires d’ordre économique lorsqu’elles sont importantes. Ils ont cependant leurs hommes politiques en renom tout comme de plus célèbres : sir James Martin et M. Robertson dans la Nouvelle-Galles du sud, M. Gavan Duffy en Victoria, M. Wilson en Tasmanie, M. Ayres dans l’Australie du sud. Il ne faudrait pas croire non plus qu’ils aient une existence oisive. Comme les villes sont encore rares et que la population des districts ruraux, au lieu d’être groupée dans les petits centres nommés bourgs et villages, est éparse isolément dans des runs solitaires et des fermes sans voisinage sur d’immenses étendues, le régime communal n’a pu encore acquérir en Australie l’importance qu’il possède dans tous les pays d’origine anglo-saxonne. D’autre part, le faible chiffre de la population ne permet que difficilement la formation de ces associations puissantes qui déchargent les états d’une partie de leur besogne. Il s’ensuit que les parlemens sont à peu près les uniques assemblées des colonies australiennes, et que tout l’ensemble d’affaires qui dans les autres pays est partagé entre le gouvernement central, les provinces, les communes et les associations financières et industrielles, autorisées par la loi, retombe en entier sur l’état. Routes, chemins de fer, travaux publics de toute sorte, écoles, relèvent