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avoir appelé autour de lui tous les aventuriers des environs, en avait tracé l’enceinte d’après les rîtes étrusques. Ils nous disent qu’il attela à une charrue un bœuf et un cheval, et qu’il la conduisit tout le long de la colline, levant le soc à l’endroit où devaient être les portes, et marquant par un sillon profond les limites entre lesquelles la ville qu’il fondait devait s’étendre. C’était la Rome carrée, Roma quadrata, comme on l’appelait à cause de la forme même de la colline sur laquelle elle était assise. Non-seulement on en a çà et là reconnu l’enceinte, mais on croit en avoir retrouvé la principale entrée. Vers l’arc de Titus, une rue se détache de la voie Sacrée et monte droit vers la colline ; elle n’est ni plus large ni moins raide que les autres, et ne se distingue de toutes celles que nous connaissons que par la grandeur des dalles qui forment le pavé : c’était la rue ou la montée Palatine, clivus Palatinus. À peine s’y est-on engagé qu’on rencontre les assises encore visibles d’une grande porte ; un peu plus loin, des blocs de pierre énormes détachés d’une muraille ont roulé à terre : la muraille était celle même qu’on attribue à Romulus, la porte servait d’entrée à la Roma quadrata. On l’appelait Vetus porta ou porta Mugonia, et ce dernier nom lui venait, dit-on, des mugissemens des bœufs qui en sortaient tous les matins pour aller paître dans les marécages qui devinrent plus tard le Forum. Quand Auguste eut établi sa demeure sur le Palatin, il fit construire une porte nouvelle, beaucoup plus belle que la première et qui en effaça le souvenir. Il n’y avait plus alors de bœufs ni de marécages, et c’étaient les grands seigneurs et les courtisans qui toute la journée foulaient le large pavé de la voie Palatine pour aller voir le maître ; mais il est sûr que la nouvelle porte fut bâtie sur les fondations de l’autre, et l’on a retrouvé les vieilles bases du tuf sous les constructions impériales.

Cette découverte, comme il arrive toujours, en amena d’autres. En fouillant à droite de la porte, on ne tarda pas à trouver un amas de grandes pierres dans lesquelles il fut aisé de reconnaître les fondations d’un très ancien temple. Ce temple, on n’en peut pas douter, est celui de Jupiter Stator, un des plus célèbres de Rome et que jusqu’ici les archéologues mettaient à leur fantaisie un peu partout, faute d’en savoir l’emplacement véritable. Tite-Live raconte à quelle occasion il fut construit. Les Sabins, après s’être emparés du Capitole, s’étaient jetés de là sur les soldats de Romulus ; les Romains éperdus fuyaient. « Déjà, dit l’historien, l’armée en désordre était arrivée à la vieille porte du Palatin lorsque Romulus, que les fuyards avaient jusqu’alors entraîné à leur suite, s’arrêta et, levant ses mains vers le ciel : « Jupiter, dit-il, c’est toi qui m’as encouragé à jeter sur cette colline les fondations de ma