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entrepreneurs des travaux publics, et peut-être même les ouvriers, s’en servaient. Il serait assurément ridicule de prétendre, avec Cicéron, que du temps de Romulus la science et la littérature étaient déjà florissantes à Rome, et de se figurer ces sénateurs couverts de peaux de bêtes comme des sages qui sortaient de l’école de Pythagore et qui en répétaient les leçons ; mais c’est une erreur encore plus grande d’en faire de véritables sauvages, comme c’est la mode aujourd’hui. Ce n’étaient pas non plus des héros d’épopée, ainsi que les représente Niebuhr, des Ajax ou des Hector, venus en un temps où les exploits des guerriers ne se conservaient que dans les chants des rapsodes. Ces vaines hypothèses de légendes et de récits épiques ne trouvent plus de place à une époque où l’on savait écrire et lire, et l’on peut dire que la découverte de M. Bruzza donne le dernier coup à tous ces systèmes, qui ont fait une si belle fortune il y a un demi-siècle.

La ville de Romulus n’était pas destinée à rester longtemps enfermée dans l’enceinte étroite que lui avait tracée son premier roi. Elle déborda bientôt de tous les côtés et finit par occuper toutes les collines environnantes. Dès lors le Palatin ne fut plus Rome entière, comme il l’était d’abord, mais il resta toujours l’un des principaux quartiers de la ville agrandie. On y trouvait en grand nombre des temples célèbres, celui de Jupiter vainqueur, celui de la déesse Viriplaca, qui réconciliait les ménages, celui de la Mère des dieux, d’où partait tous les ans, le 27 mars, le joyeux cortège de dévots et de prêtres mendians qui s’en allaient par les rues de Rome, en chantant des chansons légères, baigner la statue de la déesse dans la petite rivière de l’Almo. C’est là aussi que quelques-uns des plus illustres citoyens avaient établi leur demeure. Ils tenaient à se loger le plus près possible du Forum et des affaires publiques. Nous connaissons la situation exacte de la plus illustre de toutes ces maisons, celle de Cicéron, s’il est vrai, comme le pensent MM. Visconti et Lanciani, qu’une grande construction dont on aperçoit les restes au coin du Vélabre appartenait au portique de Catulus ; la maison de Cicéron, nous le savons, en devait être tout à fait voisine. Il était très fier d’habiter sur le plus bel emplacement de Rome, in pulcherrimo urbis loco ; il nous dit qu’il dominait de là le Forum, et que sa vue s’étendait sur tous les quartiers de la ville. Sa maison fut associée aux vicissitudes de sa destinée. Pendant son exil, Clodius fit décréter par le peuple qu’elle serait rasée et qu’à la place on consacrerait un temple à Minerve. Après son retour, le sénat décida de la reconstruire aux frais du public, et Cicéron obtint 2 millions de sesterces (400,000 francs) pour la rebâtir. — Ne dirait-on pas qu’on lit un récit d’histoire contemporaine ?