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l’industrie, le minerai le plus facile à fondre était seul exploité, s’il fallait, à sa recherche, creuser des galeries souterraines qui montaient et descendaient avec le filon, aujourd’hui l’emploi des hauts-fourneaux permet d’utiliser la moindre parcelle de fer : les travailleurs entament la couche à niveau et la débitent progressivement ; que devient alors cette distinction entre le sous-sol appartenant à l’état et le sol réservé au propriétaire ? Après déclaration d’utilité publique, il est procédé par voie de justice à l’expropriation moyennant une indemnité correspondante. Eh bien, nulle injustice n’est plus flagrante. A supposer en effet que cette indemnité paie exactement la valeur vénale du terrain superficiel, paiera-t-elle au possesseur les souvenirs, les traditions, les affections qui s’y rattachent ? Le même cas, à la vérité, peut se représenter ailleurs quand il s’agit d’une rue ou de l’ouverture d’un marché ; mais est-ce que notre état social si changeant, nos habitudes de vie si troublées, ont rien de comparable avec les mœurs du pays basque, où les familles depuis un temps immémorial se continuent de père en fils sur le même terrain, où souvent le propriétaire actuel n’a pas d’autre nom que celui que son ancêtre tira jadis de l’endroit qu’il venait occuper, où, pour tout dire, il n’y a pas de terrain à acheter parce que la honte attend celui qui oserait vendre le bien patrimonial ? L’effroi fut donc grand dans toute la contrée quand, au plus fort de la folie minière, chacun put soupçonner dans le premier spéculateur venu celui qui devait le déposséder de ses biens ; la chose en arriva au point que beaucoup de propriétaires à tout hasard s’empressèrent de dénoncer eux-mêmes leur sol comme terrain minier et de payer la cote annuelle afin d’en jouir tranquilles.

C’est à Galdámes que je me rendis tout d’abord : le centre minier de ce nom est une des ramifications de la cordillère de Triano ; une compagnie anglaise en a la concession, et du fait des carlistes l’exploitation a dû chômer pendant près de deux ans. La montagne a été attaquée en plein flanc : c’est avec la poudre que l’on détache les blocs de rocher que les ouvriers ensuite brisent à coups de pic ; le minerai est alors chargé sur des wagons que la locomotive amène au milieu du chantier : la terre et les déblais sont rejetés de côté au fond de la vallée par le moyen de longs canaux de bois disposés en pente, si bien qu’on peut prévoir le jour où, la montagne ayant disparu, la vallée, elle aussi, sera complètement comblée. En somme, il n’y a que des éloges à faire aux directeurs pour le talent et l’habileté dont ils ont fait preuve : l’installation est parfaite, la discipline du chantier admirable ; ils ont apporté là cet ordre, cette propreté, ce besoin du progrès qui est vraiment la vertu anglaise. Par suite de l’affluence des ouvriers, un grand nombre de maisons