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développement, parce que les hommes n’ont tenu aucun compte des conditions nécessaires à son existence ; elle meurt, comme Bouc, pour ainsi dire avant d’être née. Quelques-unes ont au contraire une vie tenace, dont les hommes ne verront pas de longtemps la fin : Marseille, Alexandrie, sont dans ce cas. D’autres, après une lente évolution, meurent comme de mort naturelle : le courant du progrès, la civilisation les emporte. Un port qui autrefois avec 3 mètres de profondeur, comme celui d’Agde ou d’Aigues-Mortes, admettait les plus forts navires, ne peut plus aujourd’hui les abriter, car le tirant d’eau de ceux-ci atteint maintenant et dépasse même 6 mètres. Que l’on entreprenne quelques draguages, quelques travaux particuliers, et certaines de ces villes éteintes pourront renaître. C’est ce qu’on tente en Italie à Brindisi, qui fut un port si affairé du temps des Romains, qui depuis s’est ensablé et qu’on voudrait rendre à la vie, car c’est le port de la péninsule le plus voisin du canal de Suez. Ne nous dissimulons pas que ces sortes de résurrections seront toujours bien chanceuses. La vapeur est venue qui, sur terre comme sur mer, a changé toutes les conditions des transports et des relations internationales, puis l’électricité, qui a si étonnamment rapproché les distances. Mille autres causes ont influé sur le développement, sur l’évolution commerciale ou industrielle des nations, et des villes sont mortes par l’effet spontané de ces circonstances extérieures, et sans qu’il soit même besoin d’invoquer des phénomènes physiques tels que le retrait ou l’avancement des bords de la mer.

Ceux qui rêvent la formation d’une grande ville de commerce, desservie par un canal, aux embouchures mêmes du Rhône, à la tour Saint-Louis, par la seule volonté de l’état, sous le coup de je ne sais quelle baguette magique, et qui voient déjà les bords de l’étang de Berre couronnés de jetées et d’arsenaux, semés de cités florissantes, font des rêves de géographes de cabinet. Sans doute ils écrivent avec la carte sous les yeux, mais sans se donner la peine de descendre sur le terrain, sans se préoccuper des exigences économiques de leur temps. Auraient-ils le pouvoir de faire décréter la dépense de millions par centaines, il y a encore en cela la volonté, la convenance des intéressés qu’il faudrait consulter avant tout. Il faudrait principalement tenir compte des conditions normales qui règlent le mouvement, l’entrepôt et le transit des marchandises. Un jour que l’on exposait, devant un négociant de Marseille qui affinait les plombs argentifères que ce port reçoit en si grande quantité de l’Espagne, les conditions plus favorables du port de Cette pour cette élaboration, — proximité plus grande du lieu de production et partant moindre prix du fret, sortie moins coûteuse par la mer et