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redoubla lorsque Serizier prit la peine de leur expliquer et de leur démontrer qu’ils avaient eux-mêmes mis le feu au toit de son quartier-général, et que cet incendie était un signal donné aux Versaillais. Ils protestèrent, ce qui était parfaitement inutile, et se retirèrent assez troublés, car Serizier leur avait dit : « Nous en finirons bientôt avec tous les calotins, »

Ce fut très probablement ce corroyeur qui provoqua l’ordre d’arrestation de tous les dominicains, dont Léo Meillet, commandant du fort de Bicêtre depuis le 8 mai, reçut communication le 19, Pour accomplir cette périlleuse expédition, il ne fallut pas moins de deux bataillons de fédérés, le 101e dirigé par Serizier, le 120e venant derrière Léo Meillet, accompagné d’un certain Lucipia, qu’il appelait « son juge d’instruction. » Serizier fît quelque stratégie ; il disposa sa troupe de façon à envelopper toutes les dépendances de l’école d’Albert le Grand. La place étant investie, Léo Meillet s’y précipita valeureusement à la tête du 120e bataillon et s’empara sans lutte trop meurtrière du père Gaptier, prieur, qui se promenait dans la cour avec un de ses élèves. On lui ordonna d’appeler immédiatement tous les pères et tous les employés de la maison. Le père Captier dit à l’élève Laperrière de sonner la cloche ; l’enfant obéit. Lucipia, en magistrat avisé, s’aperçut tout de suite que cette sonnerie était encore un signal convenu avec les Versaillais, il se jeta sur l’enfant et lui cria : — Si tu n’étais pas si jeune, je te ferais fusiller. — On réunit tout le personnel dans la cour ; les sœurs de charité et les enfans furent conduits directement à Saint-Lazare ; vingt-trois pères dominicains et deux enfans d’une quinzaine d’années furent entourés par les fédérés et emmenés. Le père Captier, faisant valoir sa qualité de prieur et la responsabilité qui lui incombait, obtint d’apposer les scellés sur les portes extérieures de la maison : on le laissa faire sans difficulté, car on savait que la précaution serait illusoire.

À sept heures du soir, les dominicains, auxquels nul outrage ne fut épargné pendant la route, arrivèrent au fort de Bicêtre. Ils restèrent là, dans le préau, tassés les uns contre les autres comme des moutons effarés, debout sous des averses intermittentes, examinés ainsi que des bêtes curieuses par des gardes nationaux qui venaient les regarder sous le nez. On les fouilla ; il faut croire que l’on mit quelque soin dans cette opération, car on enleva jusqu’à une balle élastique, trouvée dans la poche d’un des enfans. À une heure du matin, on les poussa tous dans une casemate où ils purent s’étendre par terre et appuyer leur tête contre la muraille en pierres meulières. Dès le lendemain matin, le prieur et le père Cotrault, procureur, demandent avec autant d’énergie que de naïveté à être interrogés ; ils veulent savoir pourquoi il sont détenus, enfermés