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le malencontreux historien de Molière, le sieur de Grimarest, qui, dit-on, avait composé tout un livre sur les caractères de la « patavinité » dans Tite-Live, aurait bien dû nous transmettre quelques renseignemens sur « le jargon et le barbarisme » de Molière.

Quant à la question des rapports de Molière avec Louis XIV, il semblerait que le livre de M. Despois l’eût définitivement tranchée. Deux opinions, encore ici, se sont longtemps combattues et peut-être, à bien y regarder, était-ce moins encore Molière que Louis XIV que l’on mettait en cause. Ceux qu’il lassait d’entendre appeler le XVIIe siècle du nom de Louis XIV voulaient, et voulaient à tout prix, que Molière n’eût dû rien ou peu de chose au roi, et que ces faveurs tant vantées se fussent réduites au paiement d’une pension de 1,000 livres, c’est-à-dire de 3,000 livres plus maigre que la pension de l’historiographe Mézeray. M. Despois lui-même avait soutenu jadis cette opinion, mais depuis lors il en était judicieusement revenu. Quelques-uns y persistent encore. D’autres au contraire ont prétendu, comme par exemple M. Bazin, que non-seulement la protection royale aurait toujours, en toute circonstance et contre toutes les cabales, couvert et par suite encouragé les audaces de Molière, mais encore qu’il se serait établi dès les Fâcheux, entre le comédien et le roi, « comme une sorte d’association tacite qui permettait à celui-là de tout oser sous la seule condition de toujours amuser et respecter celui-ci. » M. Bazin a même été jusqu’à dire : « Il y a de Louis XIV deux créations du même temps et du même genre, Colbert et Molière. » Il y a là quelque exagération, et le rapprochement est forcé. Colbert est la créature du roi, l’homme du maître, mais non pas Molière. Il est vrai que Molière et sa troupe touchèrent pension du roi, mais Corneille et Racine aussi, bien d’autres encore, et la pension de la troupe des comédiens du Palais-Royal ne dépassa jamais 7,000 livres, tandis que celle des comédiens de l’Hôtel de Bourgogne se réglait à 12,000 et celle des comédiens italiens à 15,000. Il est vrai que Molière et sa troupe contribuèrent pendant dix ans pour une large part aux fêtes de la cour et aux divertissemens du roi, mais les autres troupes y jouèrent aussi leur rôle et nous savons telle période où Molière, dans tout l’éclat cependant de la faveur et déjà de la gloire, ne donne à la cour qu’une seule représentation contre plusieurs que donnent les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne. Il est vrai que Louis XIV fit l’honneur à Molière, par procuration, de tenir sur les fonts du baptême le premier né d’Armande Béjart, mais il fit le même honneur à bien d’autres et particulièrement au fils de l’arlequin Dominique, en 1669. Ce chapitre de l’Histoire