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sueur froide, le cœur suspend ses battemens; en un mot, il y a une perturbation organique générale consécutive à l’excitation de la moelle allongée, et cette perturbation est l’expression suprême du dégoût.

Le dégoût est donc une perception provoquée par les nerfs du goût; mais les nerfs du goût ne sont pas les seuls capables de la faire naître. Ainsi l’olfaction agit de même, quoiqu’il n’y ait pas de rapport anatomique étroit entre les nerfs de l’olfaction et le nerf pneumogastrique. C’est bien du dégoût que fait naître l’odeur d’un cadavre ou d’une matière putride, et nous ne connaissons pas assez les centres psychiques des sensations diverses pour nous étonner de trouver une même sensation provoquée à la fois par une excitation olfactive et une excitation gustative. De fait l’odorat est comme le goût : s’il est désagréablement affecté, la sensation qu’on éprouve est du dégoût, c’est-à-dire une sorte de douleur, de répugnance, d’aversion. La fonction est la même au fond pour ces deux sens, qui, l’un et l’autre, veillent sur nous; mais celui-ci nous sert quand nous mangeons, celui-là quand nous respirons. La digestion et la respiration sont donc défendues et protégées par ces deux sens : le goût et l’odorat. Dès qu’ils sont excités par des substances mauvaises ou dangereuses, nous éprouvons la perception de dégoût, cette perception étant liée intimement à l’excitation des nerfs moteurs de l’estomac.

C’est par l’association des idées et un phénomène analogue au souvenir qu’on peut, sinon expliquer, au moins comprendre comment la vue d’un objet repoussant provoque encore le dégoût. Il y a un travail cérébral, un jugement, une association d’idées, qui font d’une excitation visuelle une sensation nauséeuse; en un mot, la perception de dégoût est, dans un grand nombre de cas, la conséquence d’un travail cérébral qui aboutit à la nausée : le souvenir même ou l’imagination peuvent provoquer une impression pareille ; de sorte qu’il y a au dégoût même physique une cause tantôt physiologique, comme le contact de la langue avec une substance nauséabonde ou de la muqueuse nasale avec un gaz fétide, tantôt psychologique, comme le seul souvenir d’une substance semblable. On peut donc dire d’une manière générale que le dégoût physiologique est produit par le contact de certains alimens désagréables avec les papilles de la langue, et que c’est par une juste assimilation entre le phénomène physiologique de la nausée et d’autres phénomènes psychiques, amenant une sensation analogue, qu’on a étendu le sens du mot dégoût; mais c’est insister assez longtemps sur ce sujet, et nous allons maintenant chercher à établir quelles sont les substances qui produisent le dégoût.