Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/715

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne s’aperçoit pas, que s’il y a des confusions, c’est lui qui les a créées et propagées, s’il y a des soupçons et des doutes, c’est lui qui les suscite en prolongeant indéfiniment une situation incertaine et obscure où les défenseurs emportés de la politique nouvelle n’ont d’autre souci que de menacer la France de nouveaux conflits, si elle refuse de se soumettre aux comités électoraux du syndicat du 16 mai. Le gouvernement ne voit pas que les vrais conservateurs sont aujourd’hui non dans cette coalition incohérente qui ne peut lui offrir qu’un appui précaire, mais parmi ceux qui restent sans arrière-pensée avec la loi qu’on leur a donnée, avec la république, puisque la république existe, avec ces institutions nouvelles qui ne seraient pas plus mauvaises que d’autres si des passions ennemies ne s’efforçaient de les dénaturer et de les déconsidérer.

Le malheur du gouvernement est de s’être engagé et d’avoir engagé la France avec lui dans un véritable inconnu. Il a cru que le moment était venu d’avertir le pays et de combattre le radicalisme, que la prépondérance d’élémens ardens et hostiles dans la chambre des députés rendait impossible le jeu régulier des institutions et des pouvoirs publics ; soit. C’était une politique qui pouvait être soutenue, qui n’avait dans tous les cas rien d’illégal ni de sérieusement inquiétant. Puisqu’on en était là, il y avait un moyen bien simple, c’était de s’adresser franchement, résolument à la raison du pays. L’essentiel était de ne pas perdre de temps, de ne pas laisser se prolonger une crise nécessairement faite pour réagir sur tous les intérêts de sécurité intérieure, de diplomatie, de commerce, d’industrie. Quelques semaines devaient suffire, et le pays, laissé à sa liberté, averti avec autorité, aurait peut-être répondu mieux qu’on ne le croit à un appel ainsi fait sans subterfuge, sans l’appareil des menaces et des pressions abusives. De toute façon, quel que fût le résultat, rien n’eût été compromis par une épreuve loyalement acceptée, où le chef de l’état, après avoir fait ce qu’il considérait comme son devoir, n’avait plus qu’à attendre le verdict du pays. A cela, il n’y avait vraiment rien à perdre, rien à craindre. Le pouvoir de M. le président de la république restait intact, il ne pouvait être mis en question pour avoir exercé un droit constitutionnel; il demeurait à tout événement une garantie conservatrice au milieu du mouvement des partis destinés à se retrouver en présence dans un parlement nouveau. Ce qu’il y a eu de dangereux, de redoutable» c’est qu’au lieu de suivre ce cours régulier, la crise ouverte le 16 mai est devenue dès le premier moment une sorte de lutte à outrance, engagée au nom de M. le président de la république aussi bien qu’au nom du ministère, non-seulement pour faire appel à la raison libre et mieux informée du pays, mais pour enlever à tout prix une victoire de scrutin, une sanction de tous les actes qui se sont succédé depuis trois mois. Le gouvernement s’est trouvé si violemment engagé qu’il a été aussitôt dans l’alternative de courir au-devant