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du pays, est-ce la peine de subtiliser, de jouer avec un texte constitutionnel, de laisser peser d’avance sur un scrutin si grave un soupçon, une apparence d’illégalité ou d’irrégularité? Si le gouvernement n’a pas encore pris un parti, ce qu’il a certainement de mieux à faire, c’est de se prononcer pour l’interprétation la plus simple, la plus évidente, celle qui a l’avantage de ne laisser place à aucune contradiction. Le cabinet peut vraiment se dispenser d’ajouter cette difficulté de plus à toutes les difficultés devenues assez comiques de cette étrange guerre dans laquelle il est engagé au sujet du colportage, de la vente ou de la distribution des journaux.

Le gouvernement a entrepris de chasser de la voie publique, au moins dans les départemens, tous les journaux qui ne sont pas de son avis, et à vrai dire c’est un moyen expéditif de préserver les populations des dangereuses lectures. Ici seulement nous nous demandons très humblement si c’est de la politique sérieuse qu’on fait avec toutes ces chicanes d’administrateurs légistes, avec toutes ces interprétations captieuses, mêlées d’arbitraire préfectoral. L’embarras du gouvernement est de se reconnaître dans ce fourré de textes où il se perd, où il peut bien trouver des armes de répression, mais où ses adversaires à leur tour trouvent d’autres armes pour se défendre. C’est la merveille de notre législation où l’on peut tout découvrir! Les adversaires du gouvernement, il est vrai, ont pour eux un article de la loi sur la presse de 1875, qui ne permet plus aux préfets d’interdire la vente de tel journal déterminé. En revanche, le gouvernement a toujours pour lui une loi de 1849 qui laisse aux préfets le droit de donner ou de retirer les autorisations de police aux colporteurs. Il en résulterait, par parenthèse, que le gouvernement, privé du droit restreint d’interdire la vente d’un journal, garderait le droit beaucoup plus étendu d’interdire la vente de tous les journaux en supprimant les autorisations générales de colportage, — et les préfets ne manquent pas d’user savamment de cette ressource. Mais voici qui complique tout. Il y a un décret de 1870 qui déclare la librairie libre après une simple déclaration, et les libraires peuvent vendre des journaux. Que faire à cela? On imagine la guerre contre les librairies fictives. Là-dessus les tribunaux se partagent; la question va en cour d’appel, elle ira peut-être en cour de cassation, et en attendant les élections se feront, elles auront été faites sous un régime dont l’illégalité sera peut-être reconnue. Franchement, nous ne voyons pas ce que le gouvernement peut gagner à tous ces petits moyens, au lieu de se présenter simplement, résolument au pays au nom d’une politique, — que le pays, il est vrai, reste libre de sanctionner ou de désavouer.

Avant que cette situation incertaine où la France est réduite à se débattre ait retrouvé quelque fixité, avant que les questions intérieures qui nous divisent et qui affaiblissent nécessairement la politique de notre pays aient été à demi résolues ou éclaircies, la question qui s’agite