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le premier à provoquer sous main. « Vous ne sauriez imaginer le plaisir que Bartet m’a fait, écrivait Mazarin à la palatine (3 octobre), quand il m’a dit que le coadjuteur lui avait tant condamné le contenu dans la dernière déclaration et l’avait assuré que la moindre difficulté qu’on y eût faite de la part de la reine, le parlement ne se fût pas opiniâtre, et que, pour obtenir ce qu’on lui a donné à mon égard, il eût consenti qu’on donnât au cardinal Mazarin non-seulement un lieu pour demeurer en France, mais une province. J’ai été ravi d’apprendre ses sentimens sur ce sujet... » — « Bartet m’a dit, écrivait-il le même jour à la reine, que le coadjuteur l’avait assuré qu’on ne manquerait pas de remèdes, et que, si la reine se fiait en lui sur ce sujet et voulait faire les choses qu’il lui conseillera suivant les accidens qui arriveront, Mazarin verrait bientôt si le coadjuteur avait envie de le servir et s’il aurait des moyens pour cela. Il faudrait donc que la reine lui dît, et à Mme de Chevreuse aussi, que Mazarin remet entièrement à eux la guérison de ses maux et leur donne parole de faire tout ce qu’ils voudront sur ce sujet. Comme cela, on ne pourra se plaindre que d’eux si les effets ne répondent aux paroles qu’ils donnent; mais si l’affaire tire de longue, le malade mourra de fièvre lente... »

Par cette confiance qui paraissait si pleine d’abandon, Mazarin espérait, sinon gagner le coadjuteur à sa cause, au moins l’amener à mettre quelque tempérament dans ses cabales. Retz, de son côté, s’attachait avec le même soin à sauver autant que possible les apparences pour ne donner aucun ombrage à Mazarin. Il écrivait même à Bourges, où se trouvait alors la cour, que, « s’il était aussi puissant que M. de Châteauneuf, il irait quérir le cardinal et l’amènerait par le poing pour le rétablir... » La reine, de son côté, soupirait bien plus sincèrement pour le retour de l’exilé. Elle ne cessait de dire à M. de Senneterre : « Mais, ce pauvre homme, quand le verrons-nous revenir[1]? » On a prétendu qu’à cette époque Anne d’Autriche était devenue assez indifférente à Mazarin et qu’elle se fût aisément habituée à un nouveau ministre qui aurait su prendre quelque empire sur son esprit. Le mot que nous citons vient dissiper tous les doutes sur les véritables sentimens de la régente pour son ancien favori.

Les déclarations du coadjuteur en faveur du rétablissement de Mazarin n’avaient d’autre but, cela va sans dire, que d’entretenir la bienveillance de la reine à son égard et de l’empêcher de révoquer sa nomination au cardinalat. De son côté, Mazarin s’attachait avec le plus grand soin à sauver tous les dehors de la bonne foi. Il

  1. M. de Villacerf à Le Tellier, Bourges, 24 octobre 1651. Bibl. nat., manuscrits fr. 4230.