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le coadjuteur et Mazarin; car, bien qu’on puisse concerter toutes choses sans cela, néanmoins il serait, à mon avis, de grande satisfaction à tous deux de se confirmer les mêmes choses. Au nom de Dieu, prenez bien garde qu’on ne donne des soupçons au coadjuteur de l’accommodement de M. le prince avec moi; car je suis incapable de rien faire contre mon honneur, outre qu’il y a une infinité de raisons qui m’empêchent de songer à cela. Enfin je ne refuserai pas de faire aucune des choses que le coadjuteur souhaitera pour être assuré sur ce sujet; et il doit croire qu’après ce qui est proposé et arrêté, les méfiances ne sont plus de saison... » Enfin le cardinal ajoutait que, si le coadjuteur ne pouvait venir le voir en personne, il lui envoyât au moins un de ses confidens, tel que M. de Caumartin, « homme de probité et de mérite. »

Mais Paul de Gondi n’entendait nullement prêter les mains en quoi que ce fût à la rentrée de Mazarin; car il n’ignorait pas que le triomphe du ministre serait le signal de sa propre ruine. Loin de là, il travaillait dans l’ombre avec une activité sans égale à empêcher son retour. Le duc d’Orléans, à l’instigation du prélat, donna avis au parlement, le 9 décembre, de l’arrivée prochaine du cardinal. « Les conclusions des gens du roi furent de députer sur-le-champ vers sa majesté pour l’informer de ce qui se passait sur la frontière et la supplier très humblement, de la part de la compagnie, de vouloir donner sa parole royale d’éloigner d’auprès d’elle tous ceux qui adhéreraient au cardinal Mazarin, conformément à la déclaration vérifiée le 6 septembre dernier, même qu’il lui plût informer par ses ambassadeurs les princes étrangers de la résolution qu’elle avait prise de ne s’en plus servir. Ces conclusions furent suivies presque tout d’une voix[1]. »

Le coadjuteur eut ce jour-là une vive altercation avec un conseiller, Machault-Fleury, qui avait fait un discours contre le clergé, que le prélat taxa « de basses et lâches inventions. » Machault soutint que « c’était autant de vérités constantes et publiques. » Le coadjuteur l’ayant interrompu, il s’éleva dans la salle une grande rumeur contre lui. Il fut interpellé par les présidens, qui lui dirent qu’il ne devait interrompre personne, et il fut obligé d’adresser des excuses à la compagnie. Machault ayant repris la parole sur le même ton et nommé cette fois le coadjuteur, le tumulte redoubla. Enfin le président Molé ayant fait signe à l’orateur d’achever son discours, Machault y mit fin sans nommer personne, mais en lançant à Retz une sanglante allusion : « Oui, messieurs, s’écria-t-il, il est vrai, c’est l’ambition d’une seule personne qui nous a jetés

  1. Journal inédit d’un Parisien pendant la fronde.