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Des charpentiers de Gênes et de Pise, les plus habiles constructeurs de l’époque, amenés à grands frais en Espagne, avaient appris aux habitans de ce littoral à faire des navires excellens ; Zarauz, Orio, Pasages, eurent des chantiers de premier ordre, et la réputation s’en est perpétuée jusqu’à nos jours. Quant à la part que prirent les Guipuzcoans dans toutes les luttes, dans tous les voyages d’explorations et de conquêtes où s’illustra pendant trois siècles la marine espagnole, que de noms glorieux à citer : Juan de Echaide, qui découvrit Terre-Neuve, Sébastien del Cano, qui le premier fit le tour du monde, Miguel Lopez de Legazpi, qui soumit les Philippines et y fonda la première ville espagnole dans l’île de Zebu, Diego de Harra, qui fit la conquête de la Nouvelle-Vizcaye, Antonio Oquendo, le héros cantabre, et, plus près de nous, Blas de Lezo, le défenseur de Carthagène des Indes contre les Anglais! En 1728, les négocians de la province avaient constitué, sous le nom de Compagnie de Caracas, une association commerciale ayant son siège principal à Saint-Sébastien et qui donna longtemps de l’ombrage aux Anglais. Cette compagnie, en retour des avantages qu’on lui avait faits, rendit au gouvernement d’immenses services ; elle fut assez puissante pour protéger les colonies espagnoles en Amérique et contribua largement de ses deniers aux fortifications de la Havane. Mais la gloire la plus récente, l’une des plus pures aussi qu’ait eues le pays, est celle de Churruca, natif de Motrico, officier aussi instruit que vaillant. A Trafalgar, il commandait, comme brigadier de la marine royale, le San Juan Nepomucen, vaisseau de 74 canons. Entouré par cinq bâtimens anglais, après quatre heures d’une admirable résistance, il eut la cuisse droite emportée par un boulet. En tombant il donna ordre de clouer son pavillon, soutint pendant trois heures encore le courage de ses hommes et mourut sans avoir vu la reddition de son vaisseau. Les cortès de Cadix décrétèrent qu’il y aurait toujours à l’avenir un navire portant son nom dans la flotte espagnole.

Je m’étais peu à peu rapproché de la côte ; quittant la route d’Hernani et de Saint-Sébastien, je descendis par la gauche le cours de l’Oria jusqu’à la mer. A l’embouchure de la rivière est l’ancien bourg du même nom, Orio, dont la vie se retire graduellement, et un peu plus loin Zarauz. Avant la construction d’un petit môle, ce dernier n’avait d’autre port que sa plage, longue de plus d’un mille, mais soumise à l’inconvénient du flux et du reflux, et les pêcheurs chaque jour étaient forcés de tirer leurs chaloupes à sec sur le rivage. Aujourd’hui Zarauz est surtout connu comme station de bains; la reine Isabelle en avait fait un de ses séjours préférés, et au mois de septembre 1868 elle s’y trouvait avec ses enfans quand éclata à Cadix la révolution qui devait lui coûter le trône. Dans la