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III.

César savait, en pénétrant dans la Gaule transalpine, que l’ensemble des cantons gaulois, abstraction faite de la Province, déjà soumise depuis un siècle à la puissance romaine, se composait de trois grands groupes qu’il désigne sous le nom d’Aquitains (des Pyrénées à la Garonne), de Belges (à partir de la Seine et de la Marne) et de Gaulois proprement dits, qui s’étendaient entre les deux premiers groupes, des Alpes à l’Océan. Pour lui, les deux dénominations de Celtes et de Gaulois sont absolument synonymes, le nom de Celtes étant celui que se donnaient les indigènes, celui de Gaulois (Galli) leur étant donné par les Romains. L’étymologie paraît confirmer cette assertion en ramenant les deux noms à une racine commune, qui emporte le sens d’élévation ou de domination. César ajoute que les trois groupes différaient par la langue, les institutions, les lois, ce qui n’a rien d’étonnant quand on pense qu’aujourd’hui encore il ne serait pas impossible de discerner les traces de cette triple division. Il est très probable que dans l’Aquitaine la langue usuelle était mêlée de nombreux élémens euskariens ou basques, et qu’en Belgique, à mesure qu’on se rapprochait du Rhin, les idiomes populaires se mélangeaient de germanismes. On doit même admettre que dans l’intérieur de ces groupes il y avait une grande variété de dialectes. César aurait pu pousser plus loin sa description de la situation politique du pays gaulois. Parmi les peuples ou cantons de la Gaule, il y en avait qui, soit à la suite d’anciennes guerres, soit en vertu d’accords mutuels, formaient des subdivisions reconnaissant l’hégémonie d’un canton plus puissant dont ils formaient la clientèle. Par exemple les Édnens (pays d’Autun) avaient pour cliens les Mandubiens (Côte-d’Or), les Bituriges (Berry), les Aulerques Brannevikes (pays de Brienne), les Ségusianes (Lyonnais), etc. Les Parisii et les Sénones (pays de Sens) étaient alliés depuis plusieurs générations. Ces confédérations partielles étaient un premier pas vers l’unité. Les cités armoricaines semblent avoir déjà formé une confédération défensive. Parmi les cités belges, les Rèmes (pays de Reims), les Suessions (Soissonnais), les Bellovakes (Beauvoisis), se distinguaient bien moins des cités gauloises proprement dites que des tribus encore très primitives des Morins (Pas-de-Calais), des Nerviens (Hainaut et littoral de la mer du Nord), des Atrebates (pays d’Arras), des Ménapiens (entre la Meuse et l’Escaut), des Éburons (entre la Meuse et le Rhin), qui se rappelaient encore leur origine ultra-rhénane. Les Calétes (pays de Caux) sont classés tantôt parmi les Belges, tantôt parmi les Armoricains, et venaient probablement du centre.

Ces nombreux intermédiaires, formant transition, démontrent