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arverne, qui se plaisait à jeter des pièces de monnaie du haut de son char en parcourant les campagnes. On exploitait d’ailleurs en Gaule des mines d’or, d’argent, d’étain, de fer et de cuivre. Les vieux Gaulois avaient même percé des routes dans l’intérêt du commerce. Le trajet de la Haute-Seine à la Saône se faisait sur des chars à quatre roues, les bennes, dont on peut voir la représentation sur un bas-relief de Dijon et dont le nom est resté dans notre langue[1].

Une autre circonstance très remarquable, c’est que, malgré les diversités que César signale dans les institutions et les lois des peuples de la Gaule, on voit tous ou presque tous les cantons soumis à un régime foncièrement analogue. Ils ont des assemblées publiques, une espèce de sénat, un chef élu, mais ni dynasties proprement dites, ni véritable noblesse féodale. Toutefois on remarque partout une aristocratie fondant sur la fortune et une vieille illustration la prétention d’occuper exclusivement les emplois publics. Sur ce point encore, les Commentaires de César sont peu clairs et même contradictoires. Il nous dit par exemple (VI, 13) qu’en Gaule la plèbe est presque réduite à l’état d’esclave, n’osant rien par elle-même et n’étant jamais consultée sur les affaires publiques. Le plus grand nombre, ajoute-t-il, est accablé de dettes ou d’impôts, ou bien exposé aux violences des grands ; c’est pourquoi beaucoup de petites gens entrent à leur service, et ceux-ci exercent dès lors sur leurs serviteurs tous les droits des maîtres sur leurs esclaves. Il faut bien, devant un témoignage aussi formel, admettre que des exemples fréquens de ce genre donnaient jusqu’à un certain point raison à cette assertion du conquérant. Cependant il n’y aurait pas lieu d’être surpris s’il avait étendu assez légèrement à toute la Gaule ce qui n’était qu’un trait particulier à certaines régions et spécialement aux Eduens, chez qui la noblesse locale paraît avoir été très ambitieuse et accapareuse de pouvoir. D’où viendrait, s’il en était autrement, la loi également attestée par César, loi qui dans un grand nombre de cantons visait les résolutions irréfléchies de la multitude ? Celle-ci pouvait donc abuser de droits reconnus. Les ambitieux qui aspiraient à la dictature et cherchaient à se l’attribuer contre la volonté populaire étaient menacés du supplice du feu. L’usurpation de la première magistrature était punie par la confiscation des biens. Toute guerre était précédée d’une assemblée générale du canton, concilium armatum, où tout homme capable de porter les armes était convoqué. Ambiorix explique son rôle

  1. Le benot, ou voiture de charge vulgaire, en est le diminutif. Tout cela confirme ce que nous disons de l’état de transition où se trouvait la Gaule dans le siècle qui précéda la conquête. Les historiens latins prétendent même que les nouvelles habitudes, le confort, le besoin senti de la tranquillité et de la paix, avaient refroidi chez les Gaulois l’ardeur belliqueuse qui les avait auparavant rendus si formidables.