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C’était une surveillance officielle de tous les actes du ministre, une inquisition dirigée contre les bureaux qui plaçait la diplomatie française dans la plus fausse situation. Il est incroyable que Montmorin ait accepté si allègrement la mise en tutelle de son département. Peut-être aimait-il mieux partager une responsabilité qu’il ne se sentait pas de force à porter seul? Peut-être attachait-il un grand prix au concours de Mirabeau, qui, devenu le membre le plus influent du comité diplomatique, ne cessa de lui prêter l’appui de son éloquence? Toujours est-il que sa bonne volonté valut à Montmorin d’être nominativement excepté dans le vote de méfiance dirigé contre le ministère le 19 octobre 1790. Il vivait en parfaite harmonie avec le comité, et, sauf auprès de quelques jacobins, il était presque populaire.

L’hiver suivant fut marqué par de nouvelles concessions à l’assemblée. Un serment fut imposé aux agens diplomatiques, qui durent jurer fidélité au nouvel ordre de choses. Un certain nombre d’entre eux furent changés ; on sacrifia ceux « à qui une longue habitude de servir le despotisme ne permettait pas de s’élever à un système de liberté. » Jusqu’ici il est encore permis de croire à la sincérité de Montmorin : quoique Necker, découragé, se fût retiré à Genève, et que presque tous les royalistes libéraux fussent revenus de leurs espérances, peut-être espérait-il encore; mais était-il sincère quand il prenait l’initiative de la circulaire du 23 avril par laquelle le roi assurait les puissances étrangères de son adhésion libre et spontanée aux nouvelles institutions de la France, — circulaire qui n’avait d’autre objet, dans l’esprit du roi, que de masquer les projets de fuite que l’on caressait aux Tuileries? Quoique Louis XVI témoignât une grande confiance à Montmorin, on ne peut affirmer qu’il l’ait mis au courant de ses intentions secrètes. Mais le peuple, et non sans quelque vraisemblance, cria à la trahison. Quand on apprit l’arrestation de Varennes, une bande de forcenés entoura l’hôtel de Montmorin, rue Plumet, menaçant d’y mettre le feu. Et quand on sut que les passeports saisis en possession de la famille royale étaient signés de son nom, l’irritation de la foule n’eut plus de borne. C’est la tête du ministre qu’on demandait; cependant il résulta d’une enquête prescrite par l’assemblée que les passeports avaient été régulièrement délivrés sur la demande de l’ambassade russe, et il était clair qu’on ne pouvait rendre Montmorin responsable de l’usage qui en avait été fait. Un décret de l’assemblée déclare le ministre irréprochable. « L’assemblée nationale, dit Fréron, l’a blanchi avec une bouteille d’encre. » Le peuple s’apaise tout à coup, et les journaux opposent la loyauté de Montmorin à la perfidie du roi, qui n’a pas hésité à sacrifier celui « qu’il appelait le plus