Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/894

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une autre cause, plus sérieuse encore, de l’abaissement de la situation du ministre des affaires étrangères, c’était l’importance de plus en plus prépondérante et envahissante du comité de salut public. Quand le gouvernement révolutionnaire eut été complètement organisé, le 14 frimaire (4 décembre 1793), les ministres ne furent plus que des valets. Chacun d’eux devait « rendre tous les dix jours un compte particulier et sommaire des opérations de son département. » Dès cette époque, un bureau des relations extérieures fut établi près du comité; le chef de bureau, qui s’appelait Mandru, correspondait avec Deforgues. Le comité en vint à nommer tous les agens et à réglementer tous les détails des services. C’est lui enfin qui fit transporter le siège du ministère de la rue Cerutti à l’hôtel Galiffet, rue du Bac (février 1794).

On s’acheminait ainsi lentement vers le moment où il n’y aurait plus de ministère. Cependant, si effacé que fût son rôle, Deforgues avait à se produire quelquefois devant la convention, et lors de la proscription des dantonistes, Robespierre pensa à lui pour se rappeler qu’il était ami de Danton. Décrété d’accusation le 13 germinal (1er avril 1794), il fut quelques jours plus tard interné au Luxembourg. En vain il adressa à Robespierre une lettre éplorée où il rappelait leurs bonnes relations d’autrefois. On ne lui répondit pas, et c’est le 9 thermidor qui le sauva. Il mourut en 1840, pensionné par le gouvernement de juillet.


IV.

Le jour même de l’arrestation de Deforgues paraissait le fameux rapport à Carnot sur l’organisation des services administratifs. Jusqu’alors on avait, dans les grandes lignes au moins, conservé les institutions de l’ancien régime : il y avait des ministres, six au lieu de quatre, chargés des mêmes fonctions. Le conseil exécutif n’était qu’une reproduction des anciens conseils. Sur les propositions de Carnot, on supprima les ministères, « institution créée par les rois pour le gouvernement héréditaire d’un seul, pour le maintien de trois ordres, pour des distinctions et pour des préjugés. Cette machine politique ne pourrait vaincre ses frottemens et s’arrêterait par nécessité ou se briserait, ou agirait à contre-temps. Cependant la France a besoin d’un gouvernement;... mais ce gouvernement ne doit être que le conseil du peuple, l’économe de ses revenus, la sentinelle chargée de veiller autour de lui pour écarter les dangers, puisque le peuple ne peut pas ordinairement délibérer en assemblée générale. C’est par l’oubli de ces principes que la tyrannie s’est établie; pour rétablir ces principes, divers moyens se