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marsupiaux a coïncidé avec l’époque de la multiplication des placentaires, nous nous demandons si ces derniers ne sont pas des marsupiaux qui se seraient modifiés. Cette interrogation se pose naturellement à notre esprit, attendu que, justement aux momens où se sont succédé ces quadrupèdes, il y a eu des genres qui ont formé la transition des uns aux autres. Ainsi les carnivores connus sous les noms d’hyénodon, ptérodon, paléonictis, ont la plupart des caractères des placentaires, et cependant leurs dents molaires ont la forme de celles des marsupiaux. M. Filhol vient de montrer que la proviverra, dont les membres rappellent le type des civettes, se rattache aux marsupiaux par son cerveau et une partie de sa dentition. M. Paul Gervais a fait voir aussi que l’arctocyon avait un cerveau de marsupial, bien que par d’autres particularités il se rapprochât des placentaires. Ces animaux me semblent des êtres énigmatiques, à moins de voir en eux des marsupiaux qui ont pris une partie des caractères des placentaires et ont gardé une partie de leurs anciens caractères. En vérité, pour concevoir un marsupial se changeant en placentaire, il suffit de supposer que l’allantoïde, au lieu d’être frappée d’un arrêt de développement, s’est agrandie par degrés. Je ne comprends pas le marsupial considéré isolément : je le comprends comme représentant le passage au placentaire ; un rudiment d’allantoïde me semble en désaccord avec les harmonies habituelles de la nature, s’il n’est pas destiné à avoir un jour son utilité dans le marsupial devenu placentaire.

Parmi les mammifères à placenta, ceux qui ont joué le plus grand rôle dans les temps tertiaires sont les animaux auxquels leur peau épaisse a fait donner le nom de pachydermes. Aujourd’hui ils sont peu répandus et assez bien séparés les uns des autres ; on n’a pas de raison de penser que les rhinocéros d’Afrique descendent de ceux d’Asie, ni que les rhinocéros descendent des cochons ou des tapirs ; ces quadrupèdes, étudiés dans la nature actuelle, ont pu contribuer à faire repousser l’idée que les espèces différentes sont dérivées les unes des autres. Mais, lorsque nous pénétrons dans les temps géologiques, nous voyons les lacunes se combler ; les espèces se montrent si rapprochées qu’il est difficile d’échapper à la pensée que leurs ressemblances prouvent des descendances. Par exemple, avant les cochons actuels, il y a eu une succession de cochons fossiles qui avaient avec eux les plus grands rapports. On a trouvé aussi un genre qui a paru très rapproché des cochons ; on l’a appelé hyothérium ; il est lui-même si voisin d’un autre genre, le paléochœrus, qu’un habile paléontologiste, M. Peters, a proposé de les confondre ; à son tour le paléochœrus est peu différent du chœropotamus et du dichobune dont Cuvier a découvert les restes dans