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la pierre à plâtre de Montmartre. Les rhinocéros actuels ont été précédés par des rhinocéros tertiaires qui leur ressemblaient beaucoup ; il n’est pas facile d’établir la séparation de quelques-uns d’entre eux et des rhinocéros auxquels le manque de corne sur le nez a fait donner le nom d’acérothérium ; d’autre part, ces derniers ne sont pas bien éloignés des paléothérium, qui vécurent à côté du chœropotamus dans le temps de la formation de notre pierre à plâtre. Comme les rhinocéros et les cochons, les tapirs actuels ont été précédés par plusieurs espèces qui en étaient très voisines ; quand on s’enfonce un peu dans les temps géologiques, on trouve une forme représentative du type tapir, à laquelle a été appliquée la désignation de lophiodon ; l’hyrachius paraît avoir été une des transitions du lophiodon au tapir. Tant de ressemblances sont-elles trompeuses ? ne révèlent-elles pas une communauté d’origine entre les pachydermes qui de nos jours sont bien séparés ?

Mais il y a plus ; nous n’apercevons pas seulement des indices de transition de pachydermes à pachydermes, nous en voyons entre l’ordre des pachydermes et l’ordre des ruminans. Au premier abord, il doit paraître étrange de dire que des bêtes charmantes et légères comme les cerfs et les antilopes ont pu avoir des liens de parenté avec des pachydermes ; cependant les paléontologistes ont déjà découvert un si grand nombre de genres fossiles qu’ils commencent à pouvoir intercaler entre les formes extrêmes des formes de passage. Par exemple, la plupart des ruminans semblent différer des pachydermes parce qu’ils ont des cornes sur leurs os frontaux ; mais il n’en a pas toujours été ainsi : les premiers ruminans n’ont pas eu de cornes ; ceux qui sont venus ensuite ont eu de petites cornes ; ceux à grandes cornes ne sont arrivés que plus tard. Si les ruminans actuels se distinguent des pachydermes par le manque de dents incisives à la mâchoire supérieure, les ruminans anciens n’ont pas offert la même différence : ils avaient des incisives aussi bien que les pachydermes. Les ruminans de notre époque ont des dents molaires qui ne peuvent se confondre avec celles des pachydermes et notamment des cochons : celles de ces derniers appartiennent au type omnivore, elles ont de gros mamelons surbaissés, destinés à écraser les corps durs ; au contraire, les molaires de ruminans présentent le type parfait de l’herbivore, elles ont de minces croissans dont les élémens forment une excellente râpe pour triturer les herbes. Si grandes que soient les différences des molaires de ces deux ordres, on découvre entre elles des transitions : c’est un curieux spectacle que celui des gros mamelons de pachydermes se changeant peu à peu en croissans de ruminans ; pour en jouir, il suffit de considérer tour à tour des arrière-molaires de certains cochons, tels que les