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et d’allures variées, s’entre-croisant avec les chœropotamus, les dichobune ; d’élégans xiphodon et des ampbiméryx couraient dans les plaines ; à côté d’eux, de plus petits animaux de différens ordres contribuaient à donner de la diversité aux paysages : c’étaient des écureuils, des sarigues, des chauves-souris et même des quadrumanes. Quand MM. Kaup et de Klipstein remirent au jour à Eppelsheim le gigantesque et étrange dinothérium avec le mastodonte au long menton, l’hipparion, d’énormes sangliers, le machairodus à canines en forme de poignard, ils éprouvèrent une jouissance dont leurs écrits portent la vive empreinte.

J’ai compté parmi les meilleurs momens de ma vie les mois que j’ai passés dans le ravin de Pikermi à extraire les débris des quadrupèdes qui ornaient autrefois les campagnes de la Grèce. En vérité, ces animaux de Pikermi devaient former de magnifiques spectacles : ici des singes gambadaient, là errait l’énorme ancylothérium aux doigts crochus. Les plaines étaient au loin couvertes de troupeaux d’hipparions et de ruminans ; les cornes de ces animaux présentaient des dispositions variées : les unes étaient en forme de lyre, d’autres rappelaient celles des gazelles actuelles ; il y en avait de très grandes et arquées comme chez les oryx, d’autres qui formaient une spirale carénée, ainsi que chez les canna, d’autres encore qui par leur aplatissement ressemblaient à celles des chèvres. Avec ces bêtes aux allures légères contrastaient de lourds rhinocéros et d’énormes sangliers. Un petit nombre de carnassiers modérait ce qu’il y avait d’excessif dans le développement des herbivores ; à en juger par la forme des dents, on peut croire que les carnassiers les plus nombreux, les hyènes et les ictithérium, avaient surtout la charge de faire disparaître les cadavres, et ainsi de tenir les campagnes exemptes de souillures. Enfin, au milieu d’animaux si divers, on voyait un rassemblement de puissans quadrupèdes tel qu’on le chercherait vainement aujourd’hui dans les contrées où le monde animal est le plus largement représenté ; il y avait une girafe, l’hella-dothérium, deux espèces de mastodontes et le dinothérium. Quelle ampleur de formes et quelle variété sur le théâtre de la vie ! Bêtes géantes et innombrables de Pikermi, la pensée de vos imposantes cohortes a souvent transporté mon esprit ; je ne peux songer à vous sans m’élever jusqu’à l’artiste infini dont vous êtes l’ouvrage et sans lui dire merci de nous faire assister aux grandes scènes qui semblaient réservées pour lui seul, jusqu’au jour où a été soulevé le voile sous lequel la paléontologie était cachée !

Après avoir fait des fouilles au pied du Pentélique, j’en ai entrepris aussi dans une montagne de la France, le mont Léberon. Là également j’ai passé de bons momens dans la solitude de la nature,