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Qu’on se rende bien compte cependant de ce qu’il y a dans ces faits, de ce qui peut résulter des combinaisons ministérielles, de ces retards plus ou moins calculés qui réagissent de proche en proche sur la marche des affaires publiques.

Déjà dès aujourd’hui le choix de la date des élections législatives pèse sur les élections départementales. Si le scrutin pour la chambre des députés ne s’ouvre décidément qu’au 14 octobre, le vote ne pourra être complété par les ballottages inévitables que quelques jours plus tard. Le parlement ne pourra se retrouver à Versailles qu’au commencement de novembre. La vérification des pouvoirs, d’après le caractère vraisemblable de la lutte qui va s’engager, sera sans doute laborieuse. Ce n’est pas avant le mois de décembre, et il faudra de la bonne volonté, qu’une chambre nouvelle, à peine constituée, pourra se mettre sérieusement à examiner, à préparer, à discuter tout un budget. Après la chambre, le sénat aura encore à faire son œuvre. D’ici là, il aura fallu procéder au renouvellement des conseils-généraux, et les assemblées départementales devront être réunies à leur tour pour répartir les contributions votées par le parlement. Si on est arrivé au bout avant la fin de l’année, ce sera vraiment heureux, et remarquez bien que nous ne faisons la part ni des contre-temps ni des crises possibles, ni de l’imprévu qui sortira peut-être des élections, qui pourrait modifier les conditions ou les rapports des pouvoirs publics ! Ces inconvéniens et ces troubles n’ont évidemment qu’une origine, le système d’atermoiement auquel le ministère a cru devoir demander un gage de succès. Rien de semblable ne serait arrivé si dès le lendemain de la dissolution, au lieu de paraître chercher toujours des combinaisons évasives et quelque nouveau délai, le gouvernement avait procédé sans détour, résolument, faisant les élections départementales à l’heure voulue, hâtant le plus possible les élections législatives. Les pouvoirs publics reconstitués et remis en présence auraient eu ainsi trois mois pour reprendre leur équilibre dans la situation nouvelle créée par le scrutin et pour expédier les affaires les plus pressantes du pays avant la fin de l’année. Le ministère aurait épargné aux institutions, à l’opinion, aux intérêts, la prolongation inutile d’une crise qu’il restait parfaitement libre de représenter comme nécessaire, mais que dans tous les cas il aurait eu le mérite d’atténuer en l’abrégeant, et il aurait évité pour lui-même le danger de ces confusions où il finit par se perdre.

Il aurait évité bien d’autres fautes, il n’aurait pas eu le temps de s’engager dans cette voie de répression où, après avoir poursuivi des journaux plus ou moins hostiles et d’obscurs colporteurs, il en vient à livrer M. Gambetta lui-même aux sévérités de la justice correctionnelle. Voilà déjà quinze jours que M. Gambetta, dans une réunion privée, à Lille, a prononcé un de ces discours retentissans où il expose à sa manière, avec un mélange de passion et de calcul, de déclamation et