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par des dépositions orales, une foule d’autres témoignages, soit écrits, soit matériels, recherchés avec soin. On institua des contrôles de ces preuves les unes par les autres ; on renonça à l’emploi des ordalies, du duel judiciaire, on abolit les faussemens de jugement, et l’on réserva au discernement du juge la décision qu’auparavant on demandait à la force physique, au hasard de l’épreuve judiciaire.

Mais cette transformation de la pénalité et de la procédure ne donna pas naissance à un corps de législation criminelle qui répondît réellement aux conditions que nous exigeons aujourd’hui. L’évolution que subirent les institutions du droit criminel en France et dans plusieurs des contrées voisines ne constitua pas un progrès régulier et continu. Un tel progrès ne saurait en effet s’accomplir qu’aux conditions que voici : l’introduction d’un mode de procédure de plus en plus propre à assurer la constatation du coupable et de la vraie nature de son acte, le choix et la fixation de peines graduées sur la gravité des délits et des crimes portant atteinte à l’ordre et à la sécurité de la société. Ces peines doivent atteindre un triple but. Il faut d’abord qu’elles soient suffisantes pour effrayer quiconque serait tenté de commettre le délit ou le crime en vue duquel elles sont édictées, et qu’elles puissent ainsi retenir le plus grand nombre sur la pente du mal. Ensuite leur sévérité doit être une juste satisfaction donnée au sentiment de la vindicte publique, car le principe de la responsabilité individuelle veut que quiconque porte préjudice à autrui en subisse le châtiment. Enfin cette peine doit être propre à provoquer le repentir chez le coupable, en sorte que son caractère exemplaire ne saurait être séparé de son caractère correctif ; mais, dans la poursuite de ces divers buts, il importe que le législateur ne se départisse pas de.ces habitudes de modération et de retenue dans la sévérité même que nous impose l’humanité. C’est là une condition de toute vraie civilisation morale, et l’observation en est d’autant plus nécessaire que c’est en inculquant ces habitudes dans les âmes qu’on dispose celles-ci à faire le bien, qu’on les fortifie contre les mauvais penchans dont l’effet est précisément d’engendrer les crimes et d’amener les désordres que la loi pénale a pour objet de réprimer.

La législation criminelle de l’ancienne monarchie, au lieu de tenir un égal compte de ces diverses exigences, ne s’attacha qu’à quelques-unes d’entre elles. Préoccupée avant tout d’assurer la répression et faisant bon marché de l’existence et de la liberté des individus, ne s’apitoyant guère sur l’humaine souffrance, elle emprunta aux lois romaines, aux coutumes des populations germaniques, la sévérité outrée des châtimens, l’atrocité des supplices ; elle