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les crimes et les délits les plus graves qui ne touchaient pas à la religion. L’union de l’église et de l’état eut pour effet de laisser subsister côte à côte les deux systèmes de pénalité, et la législation de la société civile concourut avec la législation religieuse à assurer l’observation de l’ordre moral. Toutefois, au lieu de puiser dans les traditions ecclésiastiques ce principe de charité qui adoucissait la rigueur de la condamnation, la législation que le régime monarchique fit prévaloir leur emprunta la sévérité déployée à l’égard des infracteurs de la loi morale et religieuse, et elle grossit ainsi la pénalité qu’elle tenait de la loi romaine de celle que lui fournit l’église. C’est également dans le droit canon que la nouvelle législation criminelle alla chercher l’usage de ces poursuites habilement conduites, de ces investigations secrètes faites à l’insu de l’accusé et destinées à réunir contre lui un faisceau de preuves dont il se trouvait accablé. Si par ces emprunts la justice arrivait à un procédé plus efficace pour découvrir le coupable, elle était en revanche exposée davantage à condamner l’innocent, qui pouvait, dans les pièges que lui tendait l’instruction criminelle, se prendre comme le coupable. Si cette nouvelle législation avait retenu quelques-unes des peines et des modes de châtimens établis par les coutumes germaniques et féodales, elle n’avait pas pour cela conservé les garanties que les mêmes coutumes accordaient à l’accusé quand il était de la classe des hommes libres. Celui-là au moins n’avait pas à redouter une longue détention préventive ; il avait le droit de produire ses témoins comme il l’entendait, et, dans le champ-clos, il pouvait au péril de sa vie défendre son innocence contre l’accusateur qui l’avait mise en suspicion.

Bref, la législation criminelle de l’ancienne monarchie semblait avoir demandé à toutes celles qui l’avaient précédée le contingent qu’elles pouvaient lui fournir de rigueurs envers l’accusé. Elle devint ainsi de plus en plus armée contre le délit et le crime, plus impitoyable à quiconque était tombé entre les mains de la justice, Cependant au XVIe et au XVIIe siècle, un retour à des principes moins absolus et moins exclusifs apporta à la législation criminelle de réelles améliorations. Si l’on ne songeait point encore à déclarer tous les Français égaux devant la loi, on commençait au moins, pour certains crimes, à appliquer aux coupables des peines identiques, bien qu’ils fussent de condition différente ; l’on traduisit souvent devant les mêmes tribunaux des individus regardés auparavant comme justiciables, en raison de leur rang dans la société, de juridictions différentes ; l’on restreignit le privilège d’une justice spéciale que réclamaient les officiers de la couronne ; le clerc ne releva plus de la seule juridiction ecclésiastique pour les crimes qui lui étaient