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III

Voici en quels termes pompeux et élogieux la Gazette annonçait aux Parisiens la promotion de Retz dans son numéro du 2 mars 1652 : « Avant-hier fut ici apportée l’heureuse nouvelle de la promotion, faite par sa sainteté, du coadjuteur de Paris au cardinalat, laquelle a répandu une joie incroyable dans le cœur de tous les gens de bien, qui ne pouvaient croire les grandes vertus de ce docte prélat assez dignement honorées que par la pourpre, puisque, à les regarder avec les yeux de la plus sévère censure, on n’en saurait faire autre jugement, sinon qu’il ne les possédait que comme autant d’illustres degrés par lesquels il devait monter à cette sublime dignité de l’église. »

Pendant que Mazarin prodiguait au coadjuteur les marques publiques d’une satisfaction qu’il était si loin d’éprouver, il donnait l’ordre à Brienne de témoigner au bailli tout son mécontentement pour ne s’être pas conformé aux instructions qui lui enjoignaient d’entraver par tous les moyens la promotion. Brienne s’empressa d’administrer au bailli une verte réprimande et de lui demander en même temps si les nombreux courriers que le coadjuteur avait expédiés à Rome n’avaient pas eu pour but de lier quelque union secrète du prélat avec le pape contre les intérêts du cardinal Mazarin et le service du roi de France.

Voici comment le bailli se disculpait sur le premier chef dans une lettre qu’il adressait à Mazarin le 1er avril suivant :

«… Le point le plus considérable de la dépêche de M. le comte de Brienne est touchant ce que je devais faire pour le retardement ou la presse de la promotion de M. le cardinal de Retz,… et, quoique la conclusion de cette affaire me pût dispenser d’en parler, je dirai néanmoins à votre éminence, pour sa satisfaction, que, quand elle s’est faite, il n’était plus en mon pouvoir de la retarder et que toutes les voies d’y mettre obstacle m’avaient manqué. » Il ajoutait que, la princesse de Rossano ayant été assurée que son cousin Aldobrandini entrerait dans la promotion, rien n’eût été capable de la faire consentir à un ajournement, et que, monsignor Chigi ayant reçu pour lui-même une promesse semblable, c’eût été aussi perdre son temps que de le prier d’en retarder l’exécution… « L’Espagne, disait enfin le bailli, ayant eu si peu d’avantage en cette promotion, je n’avais plus aucun prétexte d’en procurer le retardement, à moins que de déclarer ouvertement que le roi ne voulait point le coadjuteur, et, pour ce, il fallait s’adresser directement au pape et en avoir un ordre exprès de sa majesté ! » Ce passage prouve avec la dernière évidence que le bailli avait seulement reçu l’ordre de