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eu la vie sauve, comme l’archidiacre de Paris avait été assassiné parce qu’il avait confessé qu’il était prêtre. Ces deux faits rapprochés l’un de l’autre sont toute l’histoire de la commune.

Le soir, vers huit heures, François revint à la prison, il monta dans son appartement, fit un paquet de ses nippes qui furent emportées par quelques camarades ; il déménageait et ne devait plus revenir. Avant de quitter pour jamais cette maison qu’il avait aidé à ensanglanter, il dit à un surveillant : « Et les otages ? — toujours barricadés, répondit le gardien. — Bien ! riposta François, je vais au Père-Lachaise faire démolir la Roquette à coups de canon. » Menace illusoire ; depuis une heure, le cimetière avait été pris sans coup férir par les troupes françaises. La légende se forme si promptement, dans notre pays, même sur les lieux témoins de la réalité, qu’il est acquis aujourd’hui pour tout le monde, même pour certains apologistes de la commune, que le cimetière de l’est a été le théâtre d’un combat désespéré. Les communards disent : la bataille du Père-Lachaise, comme nos soldats diraient : la bataille de Solférino. Il faut en rabattre et raconter la vérité. Une batterie de six pièces de sept et une mitrailleuse furent réunies sur les hauteurs du cimetière et eurent trois objectifs différens : le palais des Tuileries, l’église Saint-Eustache, la gare d’Orléans[1]. Le service des munitions était mal fait et plusieurs fois on expédia des gargousses qui n’étaient point de calibre. Le samedi 27 mai, à sept heures du soir, un bataillon de fusiliers marins, deux bataillons du 74e de ligne, arrivés par le boulevard de Charonne, rompirent à coups de hache le champ-fermage qui protège le cimetière aux environs de la rue de Bagnolet. Des gardiens accoururent au-devant de nos soldats et leur indiquèrent la situation occupée par un groupe de fédérés peu nombreux. Des tirailleurs furent envoyés dans la direction désignée, ils fouillèrent à coups de fusil les parties boisées ; nul ne leur riposta, car les gardes nationaux, qui auraient pu se défendre d’arbre en arbre, de tombe en tombe, avaient détalé au plus vite et s’étaient rejetés sur Belleville, en passant par une brèche prudemment ménagée sur la rue des Rondeaux. On retrouva des victuailles et des munitions déposées dans quelques monumens, surtout dans celui du duc de Morny ; on s’empara des

  1. « Mon tir est dirigé sar Saint-Eustache et sur la gare d’Orléans, boulevard Hôpital, de façon à faire le plus de dégât à l’interception (sic) des boulevards Hôpital et Saint-Marcel et Arago. — Le chef commandant l’artillerie du Xe au Père-Lachaise : VIEULINA. » — La signature est peu lisible, et par conséquent douteuse. Cette dépêche est du 25 mai 1871. Elle répondait à la dépêche que voici : « Informez le Père-Lachaise que les obus qu’ils reçoivent ne peuvent venir que de Montmartre ; tirez principalement sur les églises, excepté le Xe arrondissement et Belleville et le XIe arrondissement. Le membre du comité de salut public : général EUDES. »