Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/582

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fret est le plus abondant et où les recettes sont les plus fortes atteindrait gravement le crédit et les ressources des compagnies, et que la suspension de tout le commerce d’exportation des États-Unis causerait dans les affaires une perturbation assez grande pour déterminer de la part de tous les intérêts lésés une pression irrésistible sur les administrations de chemins de fer.

L’interruption soudaine des relations commerciales entre les états de l’ouest et les états atlantiques était donc le levier dont les comités comptaient se servir, et pour que cette interruption fût immédiate et complète, tout en compromettant le moins grand nombre possible d’agens, il fut résolu que la grève commencerait au centre même de chacun des grands réseaux, aux points de rencontre des embranchemens les plus importans, et qu’elle s’étendrait ensuite aux grands centres de l’ouest ; les agens employés sur les lignes secondaires, beaucoup moins productives que les autres, continueraient leur service afin d’alimenter la caisse sociale par leurs cotisations. Les points d’attaque désignes furent les villes de Martinsburg et de Gumberland pour le Baltimore et Ohio, Pittsburg et Reading pour le Central-Pensylvanien, Hornelsville pour l’Érié, Albany pour le New-York-Central. Il suffit de jeter les yeux sur une carte des chemins de fer américains pour se convaincre que l’interruption du service dans les gares de ces cinq ou six villes suffisait pour arrêter l’exploitation de tous les chemins de fer dans les états riverains de l’Atlantique. Tout en faisant entrer les souffrances du commerce dans leurs calculs, les comités reconnaissaient la nécessité de ne pas tourner violemment l’opinion publique contre eux, et surtout de ne pas donner ouverture à l’intervention des autorités fédérales. Il fut donc décidé que la grève serait limitée au service des marchandises, qui serait suspendu partout à la fois, mais qu’aucune interruption ne serait apportée dans le service des voyageurs ni dans le transport des malles, qui fait l’objet de contrats entre les compagnies et l’administration des postes. Ce plan fut communiqué dans tous ses détails au comité exécutif de la Fraternité des mécaniciens, qui l’approuva et promit que les mécaniciens s’associeraient à la campagne contre les compagnies.

Le programme arrêté dans la conférence de Jersey-City a reçu une exécution complète, hormis en un point important, la date fixée pour la grève. La patience a manqué à une partie des coalisés. La compagnie Baltimore et Ohio ayant annoncé qu’une réduction de 10 pour 100 serait opérée sur le salaire de ses agens à partir du 1er juin, la plupart des autres compagnies suivirent cet exemple, en fixant la date de la réduction, les unes au 1er juillet, les autres au 15 juillet. Les agens du Baltimore et Ohio avaient donc en perspective de subir la réduction pendant trois ou quatre mois avant que