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d’une bande d’assommeurs affiliée à celle de Cartouche. C’était, il est vrai, au temps de la régence, quand une démoralisation avouée avait gagné la haute société. Un descendant d’une des plus illustres maisons des Pays-Bas, celle des Montmorency-Nivelle, à laquelle appartenait le fameux comte de Horn, décapité en 1568, avec le comte d’Egmont, nous fournit un autre exemple du supplice des vils malfaiteurs infligé à un homme de qualité. Le comte Antoine-Joseph de Horn, dont l’histoire nous est rapportée dans les Mémoires du baron de Pöllnitz et le Journal de l’avocat Barbier, avait, de complicité avec un prétendu comte de Mille ou Milly, assassiné dans le cabaret de l’Épée de Bois, près de la rue Quincampoix, un courtier porteur d’actions de la banque de Law. La famille du comte de Horn supplia le régent de commuer la peine de la roue, à laquelle l’assassin avait été condamné[1], en celle de la décollation, alléguant que le supplice ignominieux empêcherait les filles de son sang d’être chanoinesses de Flandre. Le régent fut inexorable, parce que, au dire de Barbier, le crime avait fait tort au système et à la liberté des associations, — en sorte que le comte de Horn et son complice expirèrent sur la roue en place de Grève. Antérieurement au XVIe siècle, on laissait parfois au gentilhomme coupable de quelque forfait le privilège de ne pas périr de la mort des vilains et d’avoir la tête tranchée ; mais on faisait précéder l’exécution de formalités infamantes qui rabaissaient le supplicié au niveau des vils malfaiteurs. Ainsi, sous Charles VI, en 1391, nous voyons un gentilhomme du Limousin nommé Mérigot Marchès, qui, quoique sujet du roi de France, avait combattu du côté des Anglais, condamné par le prévôt de Paris comme traître, meurtrier, larron, à être traîné sur une claie et promené dans une charrette de porte en porte de la ville, à son de trompe, avant d’avoir la tête tranchée aux Halles. Par une autre marque d’infamie dont l’histoire nous offre de nombreux et de célèbres exemples, le corps du gentilhomme traître à son roi fut après l’exécution pendu au gibet. C’est ce qui se pratiqua pour le cadavre de Jean de Montaigu, après qu’il eut été décapité, et pour le cadavre de son successeur, Pierre des Essarts, qui subit le même sort. Tout le monde sait qu’on infligea pareil outrage à la dépouille de Coligny.

La peine variant suivant la qualité du coupable, elle devait a fortiori varier suivant le rang de la victime ou de l’offensé. Les principes de subordination et de respect envers les supérieurs, si strictement établis sous l’ancienne monarchie, voulaient que le crime prît d’autant plus de gravité que l’offensé, que la victime,

  1. On trouve de curieux détails sur cette affaire dans l’appendice que M. Émile Campardon a joint au Journal de la régence de Jean Buvat, dont on lui doit la publication.