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phénomènes d’hérédité souvent observés. Lorsqu’un noble était déclaré coupable de quelque grand crime, l’arrêt déclarait en même temps que ses enfans étaient déchus de la noblesse, que son nom serait supprimé, ses armoiries brisées. On ordonnait parfois que ses bois et ses forêts fussent coupés, comme on disait, à hauteur d’infamie, que ses châteaux fussent rasés. C’est ainsi qu’il fut procédé à l’égard du maréchal d’Ancre. On livrait aux flammes la maison où le criminel était né, comme souvent aussi ses restes et ses cendres étaient jetés au vent. On voulait que la honte qui pouvait rejaillir sur toute la famille vînt s’ajouter à la terreur du supplice pour retenir sur la pente du crime. On espérait que l’affection paternelle arrêterait celui sur lequel la menace de la mort était sans effet.

Du moment que le crime de lèse-majesté était si rigoureusement puni, on ne pouvait se montrer moins inexorable envers l’hérésie, la magie, le blasphème, le sacrilège, car c’étaient autant de crimes de lèse-majesté divine ; un attentat contre l’autorité de Dieu ne devait pas être moins châtié qu’un attentat contre l’autorité du prince. Il était même juste de le punir davantage, puisque Dieu est au-dessus de l’homme. L’église l’avait bien compris, et c’était pour ce genre de crime qu’elle réservait toutes ses rigueurs, alors qu’elle se montrait moins sévère que la justice séculière quand il s’agissait de crimes d’ordre purement temporel. Aussi est-ce à l’église que les tribunaux laïques empruntèrent plusieurs des peines excessives, qu’ils infligeaient aux crimes de lèse-majesté divine et humaine. En effet, l’église punissait le complice d’un assassinat à l’égal de l’assassin même ; elle rendait celui qui avait donné l’ordre de frapper un autre responsable de la mutilation ou du meurtre consommé par celui qui avait ainsi excédé les limites de son mandat. Elle voulait que le dernier supplice fût infligé à celui qui se révoltait contre son autorité spirituelle, contre ses décrets infaillibles, qui servait les démons au lieu de servir le Christ. De là une pénalité terrible contre les hérétiques, contre les magiciens ; ils étaient condamnés à périr dans les flammes, et, lorsque la justice royale se chargea d’instruire, après avoir pris l’avis et les conclusions de l’autorité ecclésiastique, les procès d’hérésie, de magie et de sorcellerie, elle appliqua la même pénalité. Les cours laïques, aussi bien que les officialités, ne cessèrent de sévir contre tout ce qui tenait aux maléfices et aux sortilèges. Au XVIe siècle, les bûchers s’élevèrent par milliers, non-seulement en France, mais en Allemagne, et aussi bien dans les pays protestans que dans les pays catholiques. On assimila même aux œuvres de magie la divination et l’art de tirer des pronostics. On finit par proscrire l’astrologie, qui avait joui, au XIVe et au XVe siècle, d’une grande faveur, malgré les défenses de l’église ; mais on se montra moins rigoureux à l’égard