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entremetteuse que la foule avait été voir fouetter et marquer en 1729, écrit : « Si on châtiait toutes ses pareilles, il y en aurait pour longtemps. » Quoique d’ordinaire on ne fouettât que des misérables, il y avait des cas où l’on n’épargnait personne, quelle que fût la condition. C’était pour certains délits auxquels le privilège du roi faisait attribuer une extrême gravité. Henri IV, qui n’entendait pas qu’on nuisît aux divertissemens qu’il prenait à la chasse et dont il avait la passion, prescrivit, par l’ordonnance de 1601, renouvelée en 1609, de battre de verges celui, quel qu’il fût, noble ou vilain, qui se serait permis pour la seconde fois de poursuivre et de tuer un cerf dans les forêts royales. Le coupable était fouetté en différentes stations à l’entour de la forêt où il avait commis le délit et banni ensuite à une distance d’au moins quinze lieues. Quand il n’y avait pas récidive, la peine était seulement de l’amende. Le fouet, qui a persisté dans la pénalité militaire des peuples modernes, dont on usait dans les écoles comme moyen de discipline, aussi bien que dans les armées, et dont une variété, la bastonnade, n’était pas moins prodiguée jadis aux soldats que les coups de verge aux enfans, tendit à disparaître partout où le sentiment de la dignité humaine se manifestait davantage. Il y a une dignité du corps, comme il y a une dignité de l’âme, et c’est courir risque d’avilir l’une de permettre d’avilir l’autre.

Un supplice qui avait au plus haut degré le caractère infamant et était fort usité au moyen âge, car chaque seigneur avait pour y faire procéder ses poteaux, ses fourches patibulaires, était le pilori. Le condamné, retenu par un collier de fer ou carcan à un poteau, était exposé des heures entières aux huées du public et soumis ainsi à un double supplice physique et moral. Le mode d’exposition, autrement dit la forme du pilori, variait suivant les pays ; le patient y était attaché dans une position plus ou moins pénible. A Paris, dans la rue du temple, le pilori avait la forme d’une échelle au haut de laquelle était une planche percée d’un trou par où passait la tête du patient. On distingua dès lors différens genres d’exposition ; il y avait le carcan simple, auquel on condamnait pour de minces délits, et le pilori proprement dit, ordinairement infligé, dans les derniers siècles de l’ancien régime, aux banqueroutiers frauduleux. L’exposition pouvait être aussi faite en pendant le condamné sous les aisselles. Tel était le châtiment qu’on appliquait quelquefois à de jeunes vauriens. Jean Buvat, dans son Journal de la régence, rapporte qu’on y soumit l’un des jeunes frères de Cartouche, qui expira au, bout d’une demi-heure d’exposition. Comme la peine du pilori avait au plus haut degré un caractère exemplaire, avant que l’usage se fût introduit de consigner sur un écriteau le motif de la condamnation et le nom du coupable, on plaçait souvent près de